L’utilisation du chômage partiel en période de crise comporte des avantages et des inconvénients. Le fait que les travailleurs en place gardent leur emploi mitige l’ampleur de la récession et évite la dégradation des qualifications associée au chômage. D’un autre côté, lorsque l’économie repart, ce ne sont pas de nouvelles recrues qui sont embauchées mais c’est la durée du travail des personnes en place qui augmente. On doit donc s’attendre à un clivage accru entre employés et chômeurs, à une hausse de la pression salariale du fait de la concurrence réduite entre ces derniers, à une réduction de la mobilité et à une hausse de la durée du chômage. Par ailleurs, les entreprises sont tentées de pratiquer le chômage partiel plutôt que le licenciement dans la mesure où ce dernier est coûteux, ainsi que la réembauche, et parce qu’elles ne veulent pas perdre des compétences précieuses et spécifiques. Mais il serait inutile de l’encourager au-delà de ce niveau. Ce qui importe, c’est de fluidifier le marché du travail en s’attaquant aux entraves à l’embauche, au licenciement et à la mobilité ainsi qu’à la myriade de politiques désincitatives et coûteuses qui grèvent notre économie.
De nombreux pays européens ont eu recours au chômage partiel depuis le début de la crise. En 2009, l’Allemagne et l’Italie ont dépensé 5 milliards d’euros chacune contre 320 millions en France. Y recourir dépend de plusieurs paramètres : de la tradition de son utilisation, de l’ampleur du choc et de la structure productive, car il est massivement utilisé dans l’industrie. Autrement dit, même avec des dispositifs relativement similaires, les entreprises ne recourent pas au chômage partiel de la même façon. Si on compare la France et l’Allemagne, la tradition est plus grande outre-Rhin car le secteur industriel, en termes d’emplois, représente plus de 1,5 fois celui de la France. En outre, la crise s’est répercutée beaucoup plus fortement dans le secteur industriel allemand car il est plus ouvert à l’international. Ainsi, on ne peut pas décréter simplement qu’il faille recourir plus massivement au chômage partiel. En France, plusieurs changements réglementaires ont été introduits afin de renforcer le dispositif en 2008 et en 2009, ce qui a augmenté les demandes d’autorisation. Mais seulement un tiers des autorisations ont été réellement utilisées.
L’économie française rentrerait à nouveau en récession au 4e trimestre 2011 et connaîtrait une croissance négative en 2012 (– 0,2 % selon l’OFCE). Les entreprises réduiraient leurs effectifs de 280 000 en 2012 (350 000 si l’on inclut le 4e trimestre 2011) et le taux de chômage atteindrait 10,7 % de la population active à la fin de l’année. En période de crise, le chômage partiel, en réduisant temporairement la durée du travail des salariés, permettrait d’atténuer les destructions d’emplois, d’éviter un déclassement des salariés et ainsi de conserver le niveau de qualification de la main-d’œuvre et les capacités de production des entreprises. Par ailleurs, en limitant les pertes de revenu du salarié par le versement d’une allocation financée par l’État, ce dispositif atténue les effets négatifs à court terme sur la demande globale et donc sur la croissance. En Allemagne, au plus fort de la crise de 2009, 1,5 million de salariés ont été au chômage partiel, contre 266000 en France. Réactiver et étendre ce mécanisme en période de récession est une nécessité pour préserver la main-d’œuvre. Ses gains sociaux et économiques sont largement supérieurs à son coût pour les finances publiques.
Chômage partiel et licenciements économiques
O. Calavrezo, R. Duhautois et E. Walkowiak.
Les Marchés du travail dans la crise
M. Cochard, G. Cornilleau et E. Heyer.
« Le chômage partiel augmente légèrement »
Le Chômage partiel, amortisseur social de la crise ?
W. Eichhorst et P. Marx.