Plus de 13 % de la population mondiale vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, comme le rappellent Abhijit Banerjee et Esther Duflo, ces personnes, obligées de vivre avec si peu, « sont par ailleurs exactement comme le reste d’entre nous ». Les deux auteurs ont donc choisi de centrer leur ouvrage sur la description de la façon dont vivent les pauvres d’aujourd’hui, pour mieux comprendre ce qui « marche » ou ne « marche pas » dans la lutte contre la pauvreté. Leur livre explore aussi toutes les significations du concept de « piège de pauvreté », bien connu des experts du sujet. Cette lecture fait tomber des idées reçues. La pauvreté ne veut pas forcément dire, par exemple, que l’on soit condamné à ne pas manger à sa faim. « Il semble que les pauvres – même ceux que la FAO considère comme affamés – ne désirent pas manger plus, même quand ils en ont la possibilité », observent Banerjee et Duflo. Il n’est pas non plus nécessaire de multiplier les systèmes de santé gratuits à l’égard des moins fortunés : ils les éviteront s’ils ne fonctionnent pas bien ou s’ils semblent moins sûrs que leurs concurrents du privé. L’ouvrage montre aussi pourquoi la scolarisation des pauvres ne va pas de soi. L’offre d’éducation doit respecter trois principes : elle doit susciter des attentes réalistes par rapport à une situation donnée, se concentrer sur les compétences fondamentales et utiliser la technologie comme complément. Nos deux spécialistes terminent leur essai par une note optimiste : pour eux, il est possible de modifier la gouvernance des pays confrontés à la pauvreté de masse, ainsi que les politiques sociales et économiques, sans en passer par un changement des structures existantes. La révolution doit se faire dans les têtes.
Repenser la pauvreté, Abhijit Banerjee et Esther Duflo. Éditions Seuil . 430 pages, 24 euros.