Le problème de l’accumulation des comptes épargne temps dans les hôpitaux, apparu brutalement pour les infirmières, les aides-soignants et les médecins, aurait pu être évité. La loi des 35 heures n’était pas prévue pour s’appliquer à la fonction publique hospitalière, qui bénéficiait d’autres avantages tels le départ des soignants à 55 ans et la possibilité pour les femmes ayant trois enfants de prendre leur retraite après quinze ans d’exercice.
En réalité, l’approche des élections de 2002 a entraîné deux phénomènes cumulatifs. D’abord, l’application, précipitée et non préparée, des 35 heures à l’hôpital, puis, sous la pression des syndicats, le refus de l’annualisation. L’État, qui avait enjoint aux entreprises de négocier pour trouver les contreparties de flexibilité permettant de compenser partiellement les surcoûts, aurait pu imposer la modulation du temps de travail par simple décret. Dans beaucoup d’hôpitaux, les équipes s’étaient mobilisées pour repenser l’organisation afin d’absorber la baisse du temps de travail sans surcoût excessif et en améliorant le service rendu aux patients. Cela paraissait d’autant plus nécessaire que l’extension des 35 heures à l’hôpital n’avait pas été préparée par une augmentation des numerus clausus de médecins et d’infirmières.
Cette réflexion qu’ont été obligées de mener les entreprises était particulièrement indiquée dans un univers où les contraintes sont différentes d’un service à l’autre. Tout ce travail qui avait associé largement les intéressés a été balayé par un oukase ! Pas de modulation, la même réforme pour tout le monde. Le résultat est connu. L’absence de flexibilité a aggravé la pénurie résultant du manque d’anticipation : les hospitaliers n’ont pas pu prendre leurs RTT. Le paradoxe est que la mise enœuvre des 35 heures à l’hôpital a été ressentie négativement par les intéressés car la pénurie qu’elle a entraînée a gravement désorganisé les services et contraint les responsables à changer trop souvent les plannings, introduisant une incertitude sur les horaires qui annulait et au-delà le bénéfice de la réduction du temps de travail.
La mesure concernant le jour de carence en cas de maladie a reposé l’épineuse question de la comparaison public-privé en matière de protection sociale. Dans un premier temps, il a été envisagé d’ajouter un jour de carence aux salariés du privé, ce qui témoigne d’une curieuse conception de l’égalité. Certes, cela ne changeait rien dans les grandes entreprises qui compensent les jours de carence imposés par l’Assurance maladie, mais c’est oublier le grand nombre de salariés qui sont beaucoup moins protégés. En réalité, ce n’était pas d’égalité qu’il était question, mais de trouver des ressources supplémentaires pour l’Assurance maladie, résultat obtenu d’une autre manière et toujours à la charge des entreprises. Dans un contexte où le sentiment d’équité sera la clé du succès, la question des avantages comparés du public et du privé va resurgir en pleine lumière, la justification de salaires plus élevés ne concernant qu’un petit nombre de cadres.