Il va être connu maintenant ! » Le commentaire sarcastique des agents de sécurité du siège parisien d’Areva fuse alors que Patrick Lescure se prête de bonne grâce à une séance photo improvisée sur le trottoir. Le nouveau coordinateur des syndicats CGT du groupe nucléaire a été ces dernières semaines jeté dans l’arène médiatico-politique.

Depuis Fukushima, l’épisode ahurissant de l’accord entre les Verts et le PS sur l’avenir du nucléaire, les fuites dans la presse concernant les suppressions d’emplois dans le groupe, les remontrances des ministres de tutelle, François Baroin et Éric Besson, et, enfin, l’annonce officielle du plan stratégique de Luc Oursel, le nouveau patron d’Areva, Patrick Lescure enchaîne les journées de quinze heures et multiplie les allers-retours entre Paris et Marcoule, dans le sud de la France. Il apprend aussi à gérer un agenda de ministre. « Après vous, je dois encore répondre à France 3 Limoges », explique-t-il calmement, malgré ses trois quarts d’heure de retard.

Entré en 1980 à la Cogéma pour « gratter de l’uranium » dans la carrière de Bessines, près de Limoges, ce mécano de formation a adhéré à la CGT l’année suivante. « J’ai travaillé à l’extraction de minerai jusqu’en 1989. Après un plan social, j’ai été reclassé sur la centrale nucléaire de Marcoule pour devenir décontamineur. » Il commence à militer en 1991, « en réaction à des promesses sociales non tenues », explique le quinqua. Élu délégué du personnel en 1991, il grimpe alors très vite dans la hiérarchie syndicale. En 1996, il est élu secrétaire de l’union locale CGT de Bagnols-sur-Cèze, en plus de ses mandats de délégué du personnel et d’élu au CE de Marcoule. C’est là qu’il développe son goût pour la coordination. Formation des militants, création de syndicats dans les entreprises de la région. « C’était vraiment intense. À l’époque, il fallait négocier les 35 heures, former les salariés mandatés dans les petites entreprises… »

En 2003, il devient délégué syndical central d’Areva NC et, en mai dernier, il est élu par ses pairs à la tête des syndicats CGT d’Areva, la première force syndicale du groupe (27 %), juste devant la CFDT (26,4 %). Une responsabilité d’autant plus grande que, en ces temps de crise et de campagne présidentielle, il sait l’entreprise publique « prise en otage » par les politiques. « Lorsqu’on a publié un communiqué critiquant l’accord Verts-PS, on nous a accusés d’appeler à voter Sarkozy ! Mais cet accord est aussi dangereux que la lettre de François Baroin demandant à Areva un taux de rentabilité à deux chiffres. »

Du coup, la CGT d’Areva a décidé d’aller à la rencontre des élus pour débattre avec eux de la façon dont on fournira l’électricité dans les trente prochaines années, et du démantèlement des vieilles centrales. « Nous n’avons pas voulu rencontrer Eva Joly, rectifie le syndicaliste. Elle a eu le culot de nous inviter à une conférence sur la fin du nucléaire ! Mais nous avons échangé avec Hollande. » Face au plan stratégique dévoilé par Luc Oursel, mi-décembre, c’est plutôt l’incompréhension qui domine. « On s’attendait au non-remplacement des postes, mais pas au gel des salaires. Le zéro absolu, c’est nouveau, alors même que l’entreprise va bien. » Areva sort tout juste d’un plan d’économie, Cap 2012, qui visait à réduire les dépenses de 300 millions en trois ans. « Un milliard sur cinq ans, on ne sait pas où on va le prendre. Ça n’est pas correct vis-à-vis des salariés, qui ont fait de gros efforts d’adaptation ces dix dernières années. »

L’ensemble des organisations syndicales a voté en comité de groupe France une expertise qui sera menée par le cabinet Secafi pour examiner des solutions alternatives. Les résultats sont attendus pour la fin février.

Coordinateur des syndicats CGT d’Areva.

1980

Embauché à la Cogéma. Il adhère à la CGT en 1981.

1996

Élu secrétaire de l’union locale CGT de Bagnols-sur-Cèze.

2003

Délégué syndical central d’Areva NC (ex-Cogéma).