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Le droit du travail s’arrête à la porte des prisons

Actu | Veille | publié le : 01.01.2012 | Sabine Germain

Le travail en prison doit-il continuer à échapper au droit commun ? Une prévenue rouvre le dossier.

En saisissant le conseil de prud’hommes de Paris, une détenue de la maison d’arrêt de Versailles soulève la question du travail en prison : doit-il continuer à échapper au cadre commun du droit du travail ? Les détenus qui exercent une activité professionnelle ne bénéficient pas d’un contrat de travail avec leur employeur mais d’un contrat d’engagement avec l’administration pénitentiaire. Leur salaire minimal n’est que de 4,03 euros l’heure, sans congés payés, assurance chômage ni protection contre les ruptures abusives.

C’est ainsi que la détenue de la maison d’arrêt de Versailles, employée par MKT Sociétal depuis le 25 août 2010 en tant que téléopératrice, a été « déclassée » le 12 avril dernier pour avoir passé des appels personnels durant son temps de travail. Ses avocats ne se sont pas contentés de saisir les prud’hommes pour rupture abusive. Ils invoquent également le travail dissimulé : « Sur ses huit mois de travail, cette téléopératrice a été payée entre 2 et 6 euros l’heure alors qu’elle exerçait exactement les mêmes missions que les autres téléopératrices de MKT, rémunérées normalement », observe Me Julien Riffaud, en pointant le bulletin de salaire du mois de novembre 2010, durant lequel soixante heures de travail ont été rémunérées 117 euros brut (102 euros net).

De fait, les experts qui se penchent sur la question du travail en prison finissent toujours par dénoncer l’indignité du statut des détenus. Dans un rapport intitulé Comment rendre la prison (enfin) utile publié en 2008, l’Institut Montaigne préconise, outre d’« astreindre, à l’instar d’une majorité des pays européens, tout détenu à une occupation, de préférence un travail ou une formation » et d’inciter « fiscalement les entreprises à utiliser la main-d’œuvre carcérale », de créer, « entre l’administration pénitentiaire et le détenu, un contrat de travail relevant du droit administratif. »

Ce rapport a largement inspiré la proposition de loi « visant à encourager l’activité utile des détenus », déposée en avril dernier par les députés UMP Richard Mallié et Bernard Gérard. « Depuis 1987, l’administration pénitentiaire doit prendre toutes les dispositions pour assurer une activité professionnelle aux détenus qui le souhaitent », rappellent-ils dans l’exposé des motifs. Ils proposent donc de rapprocher « autant que possible » l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail de « celles des activités professionnelles extérieures, afin notamment de préparer les détenus aux conditions de travail en milieu ouvert ».

Les derniers chiffres publiés en novembre 2011 par l’Observatoire international des prisons (OIP) ne sont guère encourageants : alors qu’en 2010 la population carcérale a atteint son plus haut niveau historique, seulement 24 % des 65 000 détenus ont exercé une activité professionnelle : 7 461 d’entre eux ont travaillé au service de leur établissement (repas, nettoyage), 1 047 dans des ateliers de l’administration pénitentiaire et 6 428 pour des concessionnaires privés. Leur rémunération mensuelle nette n’a pas dépassé 318 euros pour un équivalent temps plein. Afin de justifier ce très faible niveau de salaire, les employeurs mettent en avant les contraintes de la vie carcérale : règles strictes de sécurité, difficultés de livraison, faible niveau de qualification des détenus, vétusté des ateliers… Les détenus, eux, « ont l’impression d’avoir été exploités, réplique l’OIP. Leur vision du travail serait meilleure s’ils étaient davantage respectés et mieux mis en valeur ».

Auteur

  • Sabine Germain