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Métropoles

Des investissements d’avenir

Métropoles | publié le : 01.12.2011 |

Risque de plan social à PSA, besoin de main-d’œuvre pour assurer les grands travaux, formation à l’économie numérique… Les changements qui vont bouleverser l’équilibre économique de Rennes.

PSA Peugeot Citroën annonce une réduction des effectifs fin octobre, et c’est tout le secteur automobile rennais qui retient sa respiration. L’usine de La Janais, poumon industriel du département, compte 6 000 employés, ce qui représente 10 % des effectifs de production du groupe… et aussi le nombre de salariés dont PSA Peugeot Citroën souhaite se séparer.

Depuis fin 2008 et l’annonce du plan de départs volontaires, les salariés de l’usine rennaise ont vécu un cauchemar. Les ventes de véhicules haut de gamme, assemblés sur leurs chaînes, ont diminué de 20 %. Avec la nouvelle crise qui se profile, le mauvais rêve pourrait bien devenir récurrent. Jusqu’alors, la direction avait plus ou moins réussi à calmer les inquiétudes en mettant en avant l’installation d’une nouvelle plate-forme permettant de fabriquer un ensemble de pièces communes à plusieurs véhicules haut de gamme, comme la Peugeot 308 ou 3008. Les salariés devraient commencer à travailler dessus début 2012, pour qu’elle soit opérationnelle en 2014. Le gros des investissements est prévu pour 2013.

Même si le lancement du dernier modèle de Peugeot, la 508, début 2011 a relancé l’activité du site ­rennais, le court terme prime. Seuls des intérimaires et CDD ont été embauchés pour faire face à l’augmentation de la production de 60 % cette année par rapport à 2010. « Le milieu automobile est soumis à des cycles. Quand on lance une voiture, il y a une période où l’activité est plus importante, il faut alimenter tous les points de vente, puis cela redescend », justifie Bruno Bertin, DRH de PSA Rennes. Pour la 508, on en est toujours au début, mais l’entrain pourrait vite retomber. Prévoyant, le dirigeant garde toujours en perspective de travailler sur « l’employabilité du personnel ». La moyenne d’âge des employés atteint 47 ans…

UN SECOND SOUFFLE POUR L’AUTOMOBILE

Mais face à l’avenir incertain du site rennais de PSA, Rennes Métropole a anticipé et a élaboré plusieurs trames. Premier scénario, catastrophe, le site de La Janais ferme. Pour garder les sous-traitants la tête hors de l’eau, l’agglomération compte développer l’autopartage en véhicule électrique.

Alors que les premières Autolib’ débarquent à Paris, trois voitures City Roul’ et sept bornes publiques de recharge pour véhicule électrique se mettent en place à Rennes, pour un test grandeur nature. « La filière automobile est fragilisée, mais on tient à la garder et à l’ouvrir à de nouveaux marchés, indique Gwénaële Hamon, présidente de la Maison de l’emploi et vice-présidente de Rennes Métropole en charge du développement économique. City Roul’ incarne le croisement de deux filières d’excellence chez nous, l’automobile et les nouvelles technologies de l’information et la communication (NTIC). »

Selon le Conseil de développement économique et social du pays et de l’agglomération de Rennes (Codespar), le développement des véhicules électriques pourrait créer 200 emplois de 2015 à 2020, que cela soit dans la fabrication, l’installation et la maintenance des bornes d’autopartage ou dans des métiers très qualifiés dans la conception, le conseil, la sécurité ou les NTIC.

Deuxième scénario : PSA tient le coup, mais doit réduire ses effectifs, comme cela s’est passé fin 2008. La Maison de l’emploi, de l’insertion et de la formation (Meif) de Rennes a lancé le système Transcompétences, justement il y a trois ans. Le principe est simple. Face à face, un secteur qui se porte mal et deux qui se développent, l’agroalimentaire et le bâtiment. On transfère les salariés de l’industrie automobile dans les deux autres, en les formant au changement. « Aujourd’hui, les parcours professionnels ne sont pas aussi linéaires qu’avant, rappelle Gwénaële Hamon. Les personnes sont souvent très attachées à leur territoire et ne sont pas prêtes à déménager pour trouver du travail. C’est pourquoi nous travaillons sur des passerelles de secteur à secteur. »

Une dizaine d’entreprises du bâtiment, mais surtout de l’agroalimentaire ont travaillé en étroite collaboration avec la Meif. « Le système est fondé sur le développement d’une culture des savoir-faire partagés, de la transférabilité et la transversabilité des compétences », indique Annie Delaunay, chargé de mission à la Meif. Un bémol néanmoins, apporté par Jean-Michel Boquet, DRH de Groupe Le Duff. « Le groupe Le Duff n’est pas entré dans le dispositif Transcompétences, mais j’y ai été confronté dans mon entreprise précédente. Il est beaucoup plus compliqué à appliquer qu’il n’y paraît. Ce n’est pas du tout le même métier de travailler sur une chaîne de montage automobile et dans l’agroalimentaire. »

UNE POLITIQUE DES GRANDS TRAVAUX

Il faut espérer que le système fonctionne bien dans le bâtiment, car la passerelle devrait être davantage empruntée à l’avenir, grâce aux chantiers qui vont transformer le visage de Rennes les quinze prochaines années. La ligne à grande vitesse (LGV), d’abord, rapprochera la capitale bretonne de Paris. Alors que le trajet dure deux heures cinq aujourd’hui, il se réduira à moins d’une heure trente d’ici à la fin 2016. En tout, la ligne va créer 2800 emplois dans le département. Eiffage va embaucher une centaine de personnes à Rennes pour piloter le chantier, qui devrait débuter mi-2012. La Meif est actuellement en train de répertorier les compétences indispensables pour les travaux, ainsi que les formations à prévoir. Déjà, Jean-Paul Vermot, directeur de l’Afpa Ille-et-Vilaine, anticipe la nécessité de former des coffreurs bancheurs.

La gare SNCF deviendra le cœur d’un pôle multimodal et d’un centre d’affaires, EuroRennes, qui nécessiteront aussi de la main-d’œuvre ; la construction du nouveau centre de congrès également. Mais à plus long terme, Loïc Morel, secrétaire général de l’union départemental CGT, craint qu’avec la réalisation de la LGV et d’EuroRennes, « la ville se développe au détriment d’autres zones et contribue à vider le centre Bretagne ».

En tout cas, pour Rennes, ces projets sont synonymes de bonnes nouvelles. La première ligne de métro avait permis l’embauche d’un millier de personnes pendant cinq ans. La deuxième devrait créer encore plus d’emplois, car l’investissement prévu est bien plus important : plus d’1 milliard d’euros contre 458 millions d’euros pour la ligne A.

Pour assurer son avenir, Rennes mise sur la recherche et l’innovation. Le maire (et président de Rennes Métropole) continue de soutenir les jeunes chercheurs via l’allocation d’installation scientifique (AIS), créée il y a dix ans par son prédécesseur, Edmond Hervé, socialiste lui aussi. En une décennie, l’intercommunalité a aidé près d’une centaine de chercheurs à s’installer, grâce à des bourses allant de 1000 à 7 500 euros. Elle y consacre 500 000 euros par an.

Pour accompagner le développement des NTIC, Rennes Métropole a mis en place sa cantine numérique, en 2010, et la dote de 100 000 euros par an. Le but ? mettre autour de la table tous les acteurs des nouvelles technologies qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble. Des associations, la technopole Rennes Atalante, des entreprises comme Orange ou Alcatel-Lucent ou des start-up partagent leurs idées et leurs compétences pour monter des projets de création d’activités, sur le même modèle que la première cantine numérique de France, créée à Paris. « Cela marche fort, se félicite Daniel Delaveau. Elle commence à bien jouer son rôle de détecteur de jeunes pousses. »

Échanges autour d’un café RH

Tous les deux mois, les étudiants du master management des RH de l’Institut de gestion de Rennes (IGR) invitent les praticiens des ressources humaines de l’antenne rennaise de l’ANDRH à partager leur mode de fonctionnement autour petit déjeuner. Un échange entre professionnels des ressources humaines d’aujourd’hui et de demain. Le fait que la ville soit jeune et très étudiante invite à se poser des questions propres au bassin rennais. « Mieux cerner la fameuse génération Y, c’est une demande récurrente des praticiens, qui nous disent ne pas comprendre les jeunes qui quittent rapidement les entreprises, par exemple, indique Gwénaëlle Poilpot, maître de conférences à l’IGR et responsable du master management des RH. Nos étudiants leur apportent un regard éclairé ! Ils insistent sur l’importance de la convivialité dans l’entreprise, mais aussi des possibilités d’évolution, de challenge, et de ne pas survendre un poste lors de l’entretien. » Autre sujet qui préoccupe les professionnels des RH, l’imminence de la sortie massive des seniors. « Les compétences vont partir des PME, très nombreuses sur le bassin économique rennais, en même temps que les seniors. On ne s’est pas préoccupé de la transmission des savoir-faire, pas plus que des savoir-être, de l’amour du travail. Le regard des jeunes est assez noir sur le monde de l’emploi », estime la professeure.

La féminisation des métiers masculins est également un thème abordé autour d’un café RH. Sont par exemple présentées les initiatives du Centre d’information sur les droits des femmes, comme les formations découvertes des métiers masculins proposées aux femmes qui ont arrêté de travailler pour élever leurs enfants. La situation de PSA est aussi régulièrement au menu. « Elle nous oblige à avoir une vision territoriale et à mettre en avant les compétences transférables », indique Gwénaëlle Poilpot. Dans le secteur de l’agroalimentaire, les questions de santé au travail monopolisent l’attention, et notamment la prévention des troubles musculo-squelettiques. « Lors des cafés RH, pour une fois, les échanges ne sont pas menés par des experts, mais par les participants, professionnels des RH et étudiants. Ainsi, la parole peut aller plus loin, c’est un lieu de libre expression », estime Jean-Ange Lallican, président d’honneur de l’ANDRH Bretagne Est. Et Gwénaëlle Poilpot de renchérir : « On demande d’éviter la langue de bois. »