Gérard Rivière se serait sans doute passé de son cadeau de bienvenue : élu président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) le 4 novembre, il a appris trois jours plus tard « comme tout le monde, en écoutant la radio », que le nouveau plan de rigueur gouvernemental comprenait, entre autres réjouissances, une accélération d’un an du calendrier de la réforme des retraites adoptée tout juste un an plus tôt. « Je n’en veux pas à François Fillon et Xavier Bertrand. Ils ne doivent pas encore connaître mon numéro de téléphone. Mais je trouve la méthode brutale, cavalière et symptomatique d’une forme de mépris envers les partenaires sociaux », commente-t-il avec cette pointe d’humour que lui accorde Pierre Mayeur, directeur de la Cnav.

Les deux hommes se connaissent déjà bien, puisque Gérard Rivière est administrateur de la Cnav depuis 2006. Pur produit FO – « Je n’ai pas honte de dire que je suis un apparatchik de la confédé­ration, dont je suis salarié depuis plus de trente ans » –, il s’est intéressé à la pro­tection sociale au début des années 2000, avant de focaliser son attention sur les retrai­tes : à 59 ans, il est notamment membre du groupe de travail permanent du Conseil d’orientation des retraites (Cor) et du Comité de pilotage des régimes de retraites (Copilor), créé dans le cadre de la réforme de 2010. « C’est un bon connaisseur du système de retraite, très apprécié des autres administrateurs pour ses jugements posés et son sens du dialogue », poursuit Pierre Mayeur. Voilà pour ceux qui voient en Gérard Rivière un président par défaut, simple assistant confédéral, alors que Philippe Pihet, le « monsieur retraite » du bureau confédéral de FO, ne pouvait statutairement se présenter à la présidence de la Cnav. « C’est probablement le commentaire qui m’a le plus blessé lors de mon élection », avoue Gérard Rivière, qui n’aimerait sans doute pas davantage entendre que la présidence de la Cnav a été servie sur un plateau à FO en remerciement de sa signature au bas de l’accord Agirc-Arrco, en mars dernier.

La CFE-CGC, qui a vu dans ce texte une véritable spoliation des cadres, ne s’est pas contentée de ne pas signer : elle l’a porté au contentieux. Présidente CFE-CGC de la Cnav pendant dix ans, Danièle Karniewicz y a sans doute perdu son mandat : « FO s’était opposée à cet accord pendant toute la négociation, avant de se rallier in extremis, puis de décrocher, comme par hasard, la présidence de la Cnav. Bien joué », sourit-elle, fair-play, en soulignant que « cela ne remet pas en cause les compétences de Gérard Rivière, qui sont réelles ».

Élu à la faveur d’une alliance entre FO, la CFDT, la CFTC et le patronat, le nouveau président n’entend pas mettre ses convictions dans sa poche : « Nul n’ignore qu’à FO nous ne sommes pas plus favorables à la réforme de 2010 qu’à un éventuel projet de réforme systémique, explique-t-il. Mais nous sommes une organisation républicaine : je mettrai la réforme de 2010 en œuvre et ouvrirai, en 2013, la réflexion promise sur une réforme systémique. »

En attendant, il veut reprendre la main sur un débat trop largement piloté, à son goût, par le gouvernement : « Lors de la réforme de 2010 ou, plus récemment, lors de l’accélération du calendrier de sa réforme, le CA de la Cnav n’a été consulté qu’une fois les grandes décisions arrêtées. Je souhaite que nous devenions force de proposition en nous appuyant sur les études produites par la direction des ­statistiques et de la prospective. » Sa première décision est symbolique : le CA du 13 décembre devrait valider la création de deux nouvelles commissions, l’une consacrée à la communication et au droit à l’information des assurés, « le seul aspect positif des réformes de 2003 et 2010 », l’autre à la prospective.

Président du conseil d’administration de la Cnav.

1989

Assistant confédéral de Force ouvrière.

2000

Membre du groupe de travail permanent du Conseil d’orientation des retraites.

2006

Administrateur de la Cnav.