Au travers du lin, Ariane Doublet démêle les fils de la mondialisation. Qui peut parfois être positive.
Les semi-remorques China Shipping circulent au beau milieu des champs normands. Des centaines de conteneurs s’entassent sur le port du Havre. Direction : la Chine.
Plus connu pour son camembert, ce petit coin de France est devenu en quelques années le premier producteur mondial de lin. Les petites fleurs bleues, douces et délicates, qui ne supportent ni les trombes d’eau ni la canicule, tapissent le territoire sans que le quidam imagine un seul instant que leur fibre se retrouve au centre d’une partie de poker entre agriculteurs français (fournisseurs de la matière première) et Chinois (filateurs). Les premiers regrettent l’esprit pinailleur de leurs clients, mais reconnaissent leur expertise. Les seconds s’amusent de voir leurs fournisseurs « rouler en Mercedes » plutôt qu’à vélo. La réalisatrice Ariane Doublet a tourné plusieurs films sur le pays de Caux et le travail de la terre.
Le contraste entre la grandeur des usines, la jeunesse des ouvrières chinoises qui s’accrochent à leur job et la lassitude des travailleurs agricoles français est saisissant. En Asie aussi, les filateurs n’arrivent plus à recruter. L’humidité, les douze heures de travail quotidiennes ont fait doubler les salaires en deux ans, contraignant les entreprises à lorgner l’Inde. Le règne du moins cher finit toujours par faire des heureux.
Comme le suggère judicieusement la journaliste, le lin se vendrait-il aussi bien si la Chine ne produisait pas à bas coûts ?
La Pluie et le Beau Temps (1 h 14), documentaire d’Ariane Doublet. Sortie le 2 novembre 2011.