Précédé d’un parfum de scandale, ce livre vaut mieux que sa réputation sulfureuse. Ancien président de l’Apec, Éric Verhaeghe, un énarque passé par la Fédération française des sociétés d’assurances, où il dirigeait les affaires sociales, y dévoile de l’intérieur le fonctionnement du Medef. Le livre regorge de portraits plutôt réussis : celui de Denis Kessler, du temps où il régnait sur la fédération des assureurs, de Denis Gautier-Sauvagnac pris dans la tourmente de l’affaire des « enveloppes » de l’UIMM, qui incarne, aux yeux de l’auteur, « ce patronat animé par des permanents dont les liens avec les entreprises sont parfois sujets à discussion », ou encore de Laurence Parisot, dont le travail est salué avec éloges. Pour autant, Éric Verhaeghe considère sans optimisme l’avenir de l’organisation patronale. Il imagine plusieurs scénarios : celui du « statu quo mou », dans la continuité du rôle joué aujourd’hui par le Medef ; celui de la mue ambitieuse, à laquelle ne croit guère l’auteur ; et celui du « délitement », qui verrait le mouvement privé de son épine dorsale. « Dans ce cas de figure, Laurence Parisot resterait dans l’histoire comme l’ultime présidente du Medef version 1945, celle qui a voulu le réformer, celle qui a éteint la lumière en partant », écrit l’essayiste patronal. Il raconte sans fioritures son éviction de la présidence de l’Apec, mais le plus intéressant se trouve plutôt dans ses récits détaillés des grandes réformes qui auront marqué l’ère Sarkozy, comme la représentativité, la rupture à l’amiable ou les tentatives de réformer l’État providence. En conclusion, Verhaeghe souhaite une remise à plat des conditions de financement de la retraite, fût-elle repoussée à 62 ans, et plaide pour « un basculement vers une conception intelligente du monde du travail ». Vaste programme.

Au cœur du Medef, Éric Verhaeghe. Éditions Jacob-Duvernet. 290 pages, 20 euros.