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Enquête

Pas de logement, pas de boulot

Enquête | publié le : 01.11.2011 | L. D.

Avoir un toit est un des facteurs clés de l’insertion. Or, depuis le début de la crise économique, l’État coupe dans les budgets de l’aide au logement.

Tous les mois, Michel, 65 ans, célibataire, perçoit 900 euros de retraite et d’allocations. Mais il doit faire un choix : payer son loyer – 500 euros, réduits à 250 euros grâce aux allocations logement (APL) – ou les soins médicaux qu’exige sa situation d’invalide à 80 %. Les impayés s’accumulant, Michel a été pris en charge par le pôle solidarité de la mairie de Lomme (Nord-Pas-de-Calais) pour travailler sur son budget : « Grâce à la conseillère qui m’a aidé, j’ai fait des efforts pour prévoir mes frais et dépenser moins », explique-t-il.

Afin d’alléger son budget et de sortir la tête de l’eau, Michel a aussi pu, pendant quatre mois, s’approvisionner à l’Épicerie solidaire de la commune. Le principe ? 100 euros de dépenses alimentaires lui ont été alloués par mois, mais il a payé 20 euros pour ses courses, tandis que les 80 restants ont servi à l’aider à régler ses problèmes financiers. On le voit, l’Épicerie solidaire est donc bien plus qu’une épicerie. Elle a aussi permis à une Lommoise de changer ses pneus, devenus lisses. Avec sept employeurs et l’impossibilité de se passer de voiture pour rallier ses différents lieux de travail, cette femme de ménage se déplaçait dans des conditions à la limite de la sécurité.

Une nouvelle forme de pauvreté. Pour accompagner les 60 familles en difficulté qu’elle prend en charge depuis sa création en avril, l’Épicerie solidaire de Lomme a signé des conventions avec les bailleurs sociaux, l’EDF, la Société des eaux du Nord, afin de traiter la question récurrente des impayés. Lomme, 29 000 habitants, partie intégrante de la métropole lilloise, est un bassin d’emploi sinistré. Le chômage, qui touche 12 % de la population, et plus particulièrement les jeunes, vient d’une tradition industrielle mise à mal par les fermetures des filatures qui se sont succédé. L’emploi est rare ou précaire, et on voit s’accroître une nouvelle forme de pauvreté. « Le logement, et tous les frais et charges qui y sont liés, est un problème important et pour de plus en plus de gens, souligne Cathy Turck, directrice adjointe du pôle solidarité de la mairie. Depuis trois, quatre ans, nous voyons arriver au CCAS des populations que nous ne voyions pas auparavant. En 2010, 43 % des personnes que nous avons reçues étaient salariées et retraitées. »

Pour enrayer le cercle infernal « pas de logement, pas de boulot » pour les jeunes peu qualifiés, la Ville a signé un partenariat avec les bailleurs sociaux afin de les aider à s’installer : 22 logements leur sont réservés avec un système de baux glissants. « On attribue un de ces logements à un jeune, précise Didier Delmotte, vice-président du CCAS de Lomme. Si, au bout de dix-huit mois, il a conforté sa situation professionnelle, le bailleur lui propose un logement social. Nos services ont permis à 40 jeunes de bénéficier de ce programme. » Mais, parallèlement à ces initiatives, pas moins de 48 000 demandes de logement social sont en attente dans la métropole lilloise… et 1,2 million à l’échelon national. Selon le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement, qui regroupe 33 organisations, 100 000 résiliations de bail pour loyers impayés et 30 000 expulsions ont été recensées en 2010, sans oublier les 600 000 logements insalubres. « Nous payons aujourd’hui le prix du tournant politique pris dans les années 70, explique Claire Lévy-Vroélant, professeure de sociologie à Paris VIII (Centre de recherche sur l’habitat). Estimant que le stock de logements était suffisant, les gouvernants ont décidé de passer de l’aide à la pierre à l’aide à la personne. Or les prix ont crû dans de telles proportions que le logement est devenu une marchandise inaccessible. » Tandis que les aides personnelles au logement baissent. Le PLFSS 2011 les réduit de 240 millions d’euros.

3,5 millions de mallogés en France et 1,2 million de demandeurs de logement social.

Source : Fondation Abbé-Pierre, septembre 2011.

Karine, 36 ans, mère de trois enfants.

Tout a basculé il y a cinq ans, quand Karine a quitté son mari. Elle était commerçante et travaillait avec lui. Du jour au lendemain, elle se retrouve sans ressources, avec trois enfants à charge. Sa sœur l’héberge en attendant que Karine trouve une solution. Une amie lui parle de l’association Habitat et humanisme, spécialisée dans le logement présocial, c’est-à-dire destiné aux personnes qui n’ont même pas accès au logement social. « J’étais prête à tout accepter, à quitter Marseille et ma famille, se souvient-elle. De toute façon, je repartais de zéro. Alors ici ou ailleurs… » Huit mois après avoir déposé un dossier de candidature, Karine est logée par l’association dans un T3 du centre de Marseille qui ne lui coûte que 50 euros par mois, grâce aux APL. Un bénévole l’accompagne pour l’aider à s’installer, à se poser, à reprendre confiance. « J’ai repris pied, présenté le concours d’Atsem et, depuis un an, je suis titulaire dans une école. Mais je sais que le logement que j’occupe est temporaire, il va falloir trouver autre chose. »

Auteur

  • L. D.