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Enquête

Des territoires qui cumulent les handicaps

Enquête | publié le : 01.11.2011 | L. D.

À quelques dizaines de kilomètres près, le contexte peut être très différent. Des bassins concentrent les difficultés quand d’autres ont des taux d’emploi stables. Mais difficile de compter sur la mobilité de gens fragilisés.

David Bousquet, le directeur de la Maison de l’emploi d’Istres, dans les Bouches-du-Rhône, en est encore mortifié : « Le territoire s’est pris une grosse gifle en 2008 ! Juste avant, nous étions satisfaits car nous avions enfin retrouvé le niveau d’emploi de 2004-2005. Les entreprises nous sollicitaient, certains profils se raréfiaient et tous les acteurs s’engageaient enfin dans une GPEC territorialisée… Et puis vlan ! la crise est arrivée et il a fallu quasiment repartir de zéro. » Avec un chômage à 9,6 %, en augmentation de 3,9 % entre 2010 et 2011, le bassin d’emploi Ouest Provence n’est pourtant pas, sur le papier, dans une situation catastrophique. Mais cette région, longtemps dominée par un employeur unique, Arcelor, présente les caractéristiques d’un territoire pauvre, avec une population fragile qui part dans la bataille pour l’emploi avec une série de handicaps. Ce territoire, situé à l’ouest de l’étang de Berre et qui couvre notamment les communes d’Istres, Miramas, Fos-sur-Mer, Port-Saint-Louis, présente « une situation préoccupante pour l’intercommunalité » avec des « poches de grande précarité », selon un état des lieux réalisé dernièrement par la Maison de l’emploi. Tous les indicateurs sociaux y sont largement au-dessous des moyennes nationales : une scolarisation des 18-24 ans de 40 % (pour une moyenne nationale à 50 %), 7 % de professions intellectuelles supérieures et cadres (contre 11 % pour la France), un impôt moyen des foyers imposables de 1 425 euros, contre 2 308 sur le plan national, une proportion élevée de logements sociaux (plus de 25 %)… Un cercle vicieux qui aboutit à un taux élevé de chômeurs de longue durée (40 %) et de travailleurs précaires, avec 14,5 % au total, 15,8 % pour les femmes (plus de 1 point au-dessus des chiffres nationaux). Intérim, temps partiel et travail cyclique forment le lot commun des offres. On ne choisit pas son bassin d’emploi… À quelques dizaines de kilomètres, le bassin d’Aix-en-Provence, par exemple, présente un tout autre profil.

CAP et BEP ne suffisent plus. Parallèlement, ArcelorMittal, le principal employeur local, n’a fait que réduire ses effectifs, qui ont baissé, en quinze ans, de 6 000 salariés à 3 200 emplois directs. Il vient en outre de remettre en cause ses recrutements externes pour donner la priorité au reclassement des salariés de Moselle. « Nous constatons aussi une augmentation de l’exigence des employeurs industriels, souligne David Bousquet.

Aujourd’hui, il faut un bac + 2 au minimum pour présenter sa candidature à la moindre offre, or les CAP et BEP sont ici plus représentés qu’ailleurs. » Un niveau qui n’est plus suffisant pour entrer chez Eurocopter, par exemple, l’un des plus gros employeurs à l’est de l’étang de Berre.

Pour répondre à cette demande, les élus locaux se sont battus. Du coup, l’UIMM est venu créer un centre de formation d’apprentis à Vitrolles pour former des bacs pros et des bac + 2, tandis que le Cnam a ouvert, en 2010, une antenne à Istres pour tirer aussi le niveau de qualification des 18-25 ans. De son côté, l’équipe de la Maison de l’emploi (une douzaine de personnes) s’active pour accompagner les chômeurs. Sept cents personnes sont suivies individuellement au sein du plan local pour l’insertion et l’emploi (Plie). Avec une obligation de résultat posée par l’un de ses financeurs, le conseil général. En 2010, 56 % des personnes suivies ont ainsi connu une « sortie positive », c’est-à-dire un CDI, un CDD, un contrat aidé, de professionnalisation ou d’alternance de plus de six mois, une création d’entreprise… Et, pour le coup, le bassin Ouest Provence affiche ici un résultat supérieur de 10 points au taux moyen de réinsertion des Plie.

2 millions de travailleurs pauvres en France. Les trois quarts sont des femmes seules avec enfant(s).

29 % des SDF ont un emploi.

Sources : Dares, mars 2011 ; Samu social, 2009.

Muriel, 51 ans, veuve, sans enfants, intérimaire.

Pour Muriel, l’équation est implacable : ses revenus, provenant de quelques missions d’intérim, s’élèvent à 600 euros mensuels maximum. Mais, chaque mois, ses prélèvements pour l’électricité, l’eau, les impôts locaux représentent 550 euros. Très endettée, Muriel se tourne au printemps dernier vers la CCAS de Lomme, qui vient de mettre en place une Épicerie solidaire (que l’on voit ci-dessus en photo). Grâce à l’accompagnement dont elle y bénéficie, elle parvient à apurer ses dettes. « Je n’ai droit à rien : pas de CMU car je gagne 100 euros de trop, soupire Muriel, et comme le RSA activité est une avance sur la prime à l’emploi, je ne l’ai pas vu passer. Je gagne autant que si j’étais aux Assedic, et j’ai l’essence en plus à payer. Mais je préfère travailler, je me sens utile. » « Muriel est à la limite de tout », confirme Cathy Turck, du pôle solidarité à la mairie de Lomme. Elle vit au jour le jour. Muriel a accepté de témoigner dans Liaisons sociales magazine, mais elle n’a pas souhaité apparaître en photo.

L. D.

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