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Tableau de bord

Compétitivité et emploi, faut-il choisir ?

Tableau de bord | publié le : 01.10.2011 |

Gilbert Cette Professeur d’économie associé à l’université de la Méditerranée

La productivité n’est pas l’ennemie de l’emploi, bien au contraire. À moyen et long terme, les gains de productivité financent l’augmentation dupouvoir d’achat et l’élévation du niveau de vie économique de la population, eux-mêmes dynamisant la croissance. Ce cercle vertueux est asséché par de très faibles gains de productivité. L’accélération de la productivité est même devenue une urgence pour la France, compte tenu de la dégradation presque continue de notre solde des échanges extérieurs depuis dix ans. Sans gains de compétitivité importants dans les prochaines années, de gros sacrifices seront incontournables en termes d’emplois et de salaires. Si l’on veut limiter ces sacrifices, la productivité doit être le facteur de compétitivité à privilégier. C’est par l’association d’investissements porteurs d’avenir (dans l’éducation, la connaissance et la recherche) et d’une politique industrielle ambitieuse que la productivité pourra être redynamisée et que la désindustrialisation de la France sera stoppée et inversée. Le financement de cette politique doit s’appuyer sur une taxation plus lourde des rentes improductives, les rentes d’innovation devant être moins taxées.

Denis Ferrand Directeur général de COE-Rexecode

Au cours des trois dernières années, les gains de productivité réalisés dans l’ensemble de l’économie ont été nuls. Cette stagnation amplifie la tendance au ralentissement des gains de productivité par tête (comme par heure) observée depuis les années 90. Celle-ci tient, notamment, à un affaiblissement des gains de productivité du secteur industriel, secteur dans lequel s’opère environ la moitié des gains de productivité observés dans l’ensemble de l’économie. Cette modération des gains de productivité industrielle peut s’expliquer par deux facteurs. En premier lieu, les gisements de productivité industrielle associés à l’externalisation de certaines activités périphériques se tarissent peut-être. Ensuite, et surtout, par le recul du stock de capital industriel en volume depuis 2000. Celui-ci s’explique notamment par la chute de 32 % des marges d’exploitation dégagées par le secteur industriel en France entre 2000 et début 2011. En pesant sur la capacité de financement de l’investissement, le handicap de compétitivité industrielle français, qui se creuse depuis dix ans, contribue à la réduction des gains de productivité dans ce secteur clé de l’économie.

Éric Heyer Professeur à Sciences po Lille et à la Skema Business School

À moyen terme, l’entreprise dope sa productivité par une réorganisation plus efficace de sa production, un investissement judicieux dans la recherche et l’innovation ou la qualification de sa main-d’œuvre. Une diffusion progressive de cette source de productivité lui permet de baisser ses coûts et d’accroître ses parts de marché et en fin de compte l’emploi. À court terme, l’analyse est tout autre : bien que le niveau de l’emploi salarié dans le secteur marchand ne soit toujours pas revenu à celui d’avant la crise, la productivité des entreprises a, dans le même temps, significativement décéléré, reflétant une « rétention » de la main-d’œuvre. Cela a été théorisé sous le nom de « cycle de productivité »: en période de baisse de l’activité, les entreprises s’ajustent d’abord en abaissant la durée du travail ou le salaire horaire, provoquant une baisse de leur productivité. Cette dernière se restaure au moment où la conjoncture s’améliore, période durant laquelle la croissance est très peu riche en emplois. D’après nos évaluations, au deuxième trimestre 2011, le coût en termes d’emplois pour que les entreprises françaises reviennent à leur niveau de productivité tendancielle s’élèverait à plus de 300 000 emplois !

Pour en savoir plus

Crise et croissance : une stratégie pour la France,

rapport de P. Aghion, G. Cette, E. Cohen et M. Lemoine. www.cae.gouv.fr/spip.php?breve27.

La Tertiarisation de l’économie française…,

A. Schreiber et A. Vicard. www.insee.fr/fr/ffc/docs_ ffc/ref/ECOFRA11d_D2_tertiar.pdf.

La Compétitivité ? Une obsession impérieuse,

www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/A-noter/La-competitivite-Une-obsession-imperieuse.

L’Économie française 2012,

Éric Heyer. www.ofce.sciences-po.fr/publications/ouvrages.htm.