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Politique sociale

Les salaires des femmes peuvent encore attendre !

Politique sociale | publié le : 01.10.2011 | Rozenn Le Saint

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Les salaires des femmes peuvent encore attendre !

Crédit photo Rozenn Le Saint

Alors que les lois s’accumulent, rien n’y fait. Les écarts de salaire entre les sexes perdurent ! Pis, un décret de juillet vide d’effet les sanctions à l’égard des entreprises qui ne négocient pas.

Les femmes sont moins bien payées que les hommes car, « une fois par mois, elles ne se sentent pas bien ». La sortie de l’été, signée Alasdair Thompson, le Laurence Parisot de la Nouvelle-Zélande, donne un aperçu du long chemin qu’il reste à parcourir pour mettre un terme aux inégalités de salaire entre hommes et femmes. Dans le monde, mais aussi dans l’Hexagone. En 2008, les Françaises gagnaient toujours 27 % de moins que les Français. En gommant l’effet temps partiel, le salaire horaire des femmes demeure inférieur de 19,2 %. « Même si l’on tient compte du niveau de diplômes, de l’ancienneté, de l’expérience professionnelle, du type de contrat de travail, du temps partiel, du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise, il reste une “zone grise” inexpliquée, correspondant à une différence de salaire d’environ 10 % », indique encore le rapport 2010 de la Dares. Quels que soient les chiffres, la réalité est implacable : les écarts ont cessé de se résorber depuis… vingt ans. Et cela malgré des lois en série (voir interview page 33).

Mais alors pourquoi un tel statu quo ? La faute à « un manque flagrant de volonté politique », s’insurge Chantal Brunel, députée UMP, rapporteure de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes. Pourtant, la loi sur la réforme des retraites de novembre 2010 avait contraint les entreprises de plus de 300 salariés à conclure des accords ou à mettre sur pied des plans d’action sur l’égalité salariale avant 2012. Objectif ? Résorber une injustice flagrante : la pension d’une femme de 80 ans est de 58 % inférieure à celle d’un homme du même âge, celle d’une sexagénaire, de 33 %. La mesure, assortie d’une amende pouvant atteindre 1 % de la masse salariale nette, devait prendre le relais de la loi de 2006, très peu appliquée, censée obliger les branches professionnelles et les entreprises employant au moins 50 salariés à négocier des actions… avant le 31 décembre 2010. Mais voilà, un décret cosigné par la ministre Roselyne Bachelot, sorti le 7 juillet dans l’assoupissement estival, prévoit que seules les entreprises contrôlées seront sanctionnées. « Connaissant les moyens des directions régionales du travail, le risque d’être puni est mince », craint Ghislaine Richard, responsable du collectif CGT Femmes-Mixité.

Peu de contraintes. Et quand bien même les entreprises sont épinglées, elles disposent d’un délai de six mois pour adopter un accord collectif ou concocter un simple plan d’action unilatéral. Ce n’est que passé cette échéance que la direction régionale du travail « décide, s’il y a lieu, d’appliquer la pénalité et en fixe le taux ». Et encore, les entreprises ont la possibilité d’y déroger si elles mettent en avant des « difficultés économiques », « restructurations ou fusions en cours ». L’Observatoire de la parité déplore « des modalités de mise en œuvre tellement restreintes que la sanction semble improbable et, de ce fait, peu dissuasive ». « Dans un contexte de guerre économique très forte, les pouvoirs publics sont réticents à contraindre davantage les entreprises, traduit la députée Chantal Brunel. Cet article a simplement été un moyen, pour le gouvernement, de se donner bonne conscience. » Même les législateurs UMP en viennent à douter : « Ce ne sont pas les lois qui vont régler le problème. Les chefs d’entreprise doivent se rendre compte des qualités de management des femmes », selon la députée. Triste constat appuyé par l’inefficacité des multiples lois sur l’égalité de salaire, élevée dès 1946 en principe constitutionnel.

Groupes volontaristes. Reste la bonne volonté des entreprises soucieuses de leur image. Axa est régulièrement cité en exemple depuis qu’en 2006 il a décroché le label Égalité professionnelle de l’Afnor pour son action de rattrapage des salaires. Sur les 6 000 employées du groupe, 600 ont vu leur salaire aligné sur celui de leurs collègues masculins, à compétences et ancienneté comparables. Une hausse de 3 à 8 % en moyenne sur la fiche de paie, financée grâce à un budget spécial de 4 millions d’euros depuis 2004. « Nous nous sommes occupés très tôt de l’équité salariale ; les femmes se sentent mieux dans l’entreprise et sont plus performantes dans leur job », affirme Didier Aujou, directeur finances et analyses en RH chez Axa. LCL n’a pas attendu la dernière loi pour réduire à 12 % l’écart salarial entre hommes et femmes, soit deux petits points de moins qu’en 2007. L’entreprise a également augmenté son taux de féminisation des cadres, passé de 25 % à 27,6 % entre 2006 et 2010. Quant à Alcatel, une enveloppe spécifique a permis à 40 % des salariées d’être augmentées et à 20 % d’être promues.

La maternité reste un frein, mais même les salaires des femmes sans enfants accusent un écart similaire

Autre sujet à traiter pour réduire l’écart, le temps partiel. Occupé à 82 % par les femmes, il expliquerait près d’un tiers de cette différence. D’où l’importance de limiter son développement « en décourageant les entreprises de recourir aux contrats de moins de seize heures par semaine », selon Françoise Milewski, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. La maternité reste bien sûr un frein à la progression salariale, 42 % des femmes de 39 à 49 ans ayant interrompu leur carrière pour élever leur(s) enfant(s). Mais une étude Insee-Ined de 2008 montre que même les salaires des femmes sans enfants accusent un écart du même acabit. En cause ? Le « soupçon qui pèse sur [elles] d’être avant tout des mères (ou futures mères) susceptibles aux yeux de l’employeur de quitter temporairement ou définitivement leur emploi ». « Les employeurs s’attendent que ce soit les femmes qui s’arrêtent à l’arrivée d’un enfant. Il faudrait des mesures qui mettent de l’incertitude aussi sur les hommes », énonce une des auteurs, Sophie Ponthieux. Le rapport rendu en juin par l’inspectrice générale des affaires sociales Brigitte Grésy à Roselyne Bachelot va dans ce sens. Il propose un congé parental de deux mois à partager à parts égales entre le père et la mère.

Dernier facteur explicatif des inégalités : les professions très féminisées, tels aide-soignant ou infirmier, sont modestement rémunérées. Dans les RH, où 77 % des effectifs sont des femmes, l’écart de rémunération reste de 22 %. Explication de l’Apec : « Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à encadrer une équipe et à gérer un budget et, quand c’est le cas, la dimension de ces missions est plus restreinte que chez les hommes. » Cette apparente appétence des hommes pour les postes à responsabilité expliquerait aussi qu’un an après leur arrivée sur le marché du travail les diplômés 2010 d’une grande école gagnent, en province, 3 000 euros de plus par an que leurs homologues féminins (2 500 euros de plus en région parisienne). En attendant des jours meilleurs, les femmes peuvent toujours privilégier des domaines très masculins, tels les transports, où elles touchent seulement 0,3 % de moins que les hommes !

Marie-Jo Zimmermann Présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale, députée UMP de Moselle
“Martine Aubry a raison !”

En quoi le décret du 7 juillet sur l’égalité salariale est-il un recul ?

Vu les restrictions, je serais surprise qu’une seule entreprise ait une amende. Le fait qu’elle soit en difficulté économique ne l’empêche en rien de fournir un rapport de situation comparée à l’Inspection du travail ! Cela devrait être obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés. Il faut être extrêmement exigeant avec les grandes structures pour qu’ensuite elles emmènent dans leur sillon les plus petites. Je suis indulgente quand on légifère pour la première fois sur un sujet, mais là, on en est à la sixième loi.

Cet article a-t-il uniquement servi d’opération de communication au gouvernement ?

Après tout le cirque qui a été fait, oui, je n’en reviens pas. C’était un effet d’annonce du gouvernement pendant la réforme des retraites. Comme la loi de 2006 imposait une échéance à fin 2010, il n’y avait plus de fenêtre législative pour prolonger l’effort demandé aux entreprises en termes de réduction des écarts de salaire.

Comment améliorer la situation des femmes ?

Dans leur projet, les socialistes proposent de retirer les exonérations de cotisations patronales aux entreprises qui ne jouent pas le jeu. Martine Aubry a raison ! Le ministre François Sauvadet prépare un projet de loi sur l’égalité dans la fonction publique qui comprendra une partie sur les femmes. Je le soutiens, car si l’État n’est pas exemplaire, on ne peut pas demander aux entreprises de l’être.

Auteur

  • Rozenn Le Saint