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Enquête

La titanesque refonte de la paie des fonctionnaires

Enquête | publié le : 01.10.2011 | Stéphane Béchaux

La gestion des rémunérations des 3 millions d’agents de l’État devrait, en 2017, être centralisée auprès d’un opérateur unique. Un chantier complexe qui pourrait se traduire par 3 700 suppressions de postes.

Parc immobilier, achats, comptabilité, pensions de retraite… Au cours des cinq dernières années, la mutualisation des fonctions support de l’État a connu un formidable coup d’accélérateur. Un mouvement entamé avant la révision générale des politiques publiques, mais amplifié depuis. La création de l’Opérateur national de paye (ONP), en 2007, s’inscrit dans cette ambition. Rattaché au ministère du Budget, ce« service à compétence nationale » a vocation à centraliser, à l’horizon 2017, la gestion des rémunérations des 3 millions d’agents de la fonction publique d’État. Dirigée par Sophie Mahieux, ex-directrice du Budget, la structure emploie 135 personnes, des informaticiens pour la plupart.

Entre ministères et Trésor. La remise à plat de la paie des agents est un très gros morceau. Celle-ci est aujourd’hui éclatée entre les ministères, qui assurent la préparation des salaires de leurs troupes, et le Trésor, chargé des versements après contrôle. Une tâche qui mobilise, en tout, quelque 10 000 personnes. Selon des modalités très disparates, tenant aussi bien aux différences d’organisation du travail qu’à la diversité des outils informatiques. « Le volume de dossiers traités par agent varie de 60 à 600. Le système arrive à bout de souffle. On aurait pu externaliser, mais on a fait le choix de construire un nouvel outil », argumente-t-on à Bercy. Sans convaincre les syndicats. « La sécurisation du circuit de la paie n’est pas la motivation première. Il s’agit d’abord de supprimer des postes », analyse Magali Musseau, secrétaire générale de la CGT Finances.

Le chantier s’avère épineux. Épaulé par un consortium privé, l’ONP a la lourde tâche d’élaborer un nouveau système d’information central capable de s’interconnecter avec les outils informatiques des différents ministères. Ce qui implique pour ces derniers de refondre leur propre SIRH. Échaudés par les déboires de Chorus, le nouveau progiciel comptable de l’État, les syndicats se montrent très dubitatifs. « À Bercy, ils voient toujours très gros. Et pourtant on vient déjà de vivre ce carambolage entre une nouvelle application inadaptée à la réglementation publique, des changements de structures et de métiers et des formations insuffisantes », commente la CFDT Finances.

Services pilotes, phases de test, périodes de double paie… Les concepteurs du nouveau circuit prévoient un déploiement très progressif, sur quatre ans. Une prudence salutaire : la description détaillée de l’outil a déjà pris quinze mois de retard, repoussant en juin 2012 les premières expérimentations avec le ministère pilote de l’Agriculture. « On a mobilisé des moyens humains et financiers significatifs pour mettre en conformité notre SIRH. Pendant un an, on va conduire toute une série de tests. Et mener un important programme d’accompagnement du changement », détaille Philippe Mérillon, le DRH du ministère.

Fermetures de sites en vue. Le déploiement définitif du nouvel outil n’est donc pas pour demain. De quoi offrir un répit aux quelque 800 agents de la Direction générale des finances publiques qui, répartis dans une trentaine de plates-formes régionales, liquident actuellement la paie des agents de l’État. Des sites voués à la fermeture, sans que leurs agents n’en soient aucunement prévenus. « On entend tout et son contraire. On n’a aucune information fiable sur le devenir de notre activité et l’implantation future de l’ONP », déplore un employé francilien.

Côté syndical, on ne se fait guère d’illusions. « L’ONP, c’est le futur réservoir des suppressions de postes. Les réductions ont d’ailleurs déjà commencé, avant même le déploiement des outils », souligne Laurent Aubursin, leader de FO Finances. Un dégraissage qui concernera la plupart des ministères. Car tous sont priés de repenser l’organisation de leur filière RH, en créant des « pôles d’expertise et de services » dédiés à la gestion administrative et à la paie. Des plates-formes en lien direct avec l’ONP, qui devraient générer des gains de productivité. À Bercy, on table au total sur 3 700 suppressions de postes.

Auteur

  • Stéphane Béchaux