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Les DRH à l’heure des technologies 2.0

Dossier | publié le : 01.10.2011 | Florence Puybareau

Le Web collaboratif, mais aussi les transformations des modes de travail et la pression de la génération Y poussent les services RH à adapter leurs outils et leurs méthodes. Une évolution technique et organisationnelle qui concerne l’ensemble de l’entreprise.

Cloud computing, Saas, réseaux sociaux, wikis, blogs…, en quelques mois, ces termes plus ou moins obscurs ont fait une entrée fracassante dans le vocabulaire des entreprises. Pour les directions des ressources humaines, pas question de les ignorer car, si ces notions renvoient aux nouvelles technologies, elles n’en ont pas moins un impact direct sur l’organisation globale de l’entreprise. Les DRH n’ont certes pas attendu le Web 2.0, en clair l’Internet collaboratif, pour entrer dans l’ère numérique. La plupart des grandes entreprises sont aujourd’hui dotées d’un SIRH et ont externalisé une partie de leur périmètre fonctionnel, le plus souvent la paie et/ou la gestion administrative. Par ailleurs, l’évolution légale et réglementaire amène les entreprises à dématérialiser de plus en plus de documents (attestations Assedic, bulletins de paie…) et donc à investir dans de nouvelles solutions. Néanmoins, cela ne suffit plus.

Dans un contexte de crise économique où il est nécessaire de resserrer les budgets, face à la mondialisation et en présence de nouveaux collaborateurs issus de la génération Y (les 20-30 ans qui ont toujours baigné dans les nouvelles technologies), l’entreprise se doit d’adapter ses outils et ses méthodes organisationnelles. Et les DRH sont invités à suivre, voire à initier le mouvement. Il n’y a pas un mais plusieurs facteurs qui conduisent aujourd’hui les entreprises à intégrer les technologies 2.0. Cela peut se produire à la suite d’une fusion-acquisition ou d’un développement à l’étranger. Il faut alors mettre en place rapidement des outils accessibles partout, quel que soit le système d’information de l’entreprise (ce qui est le cas à travers le Web) et pour tous. Le deuxième élément moteur, c’est la gestion des talents et des formations. Une entreprise comprend plusieurs métiers et cursus différents et il est difficile pour les DRH de faire correspondre les offres (parfois pléthoriques) de postes et les demandes. Les solutions s’appuyant sur le Saas, par exemple, qui sont sans cesse mises à jour et ouvertes vers l’extérieur, permettent d’avoir accès à un catalogue intégrant de l’e-learning ou des serious games. On évolue ainsi vers des intranets de formation dans lesquels les collaborateurs vont piocher pour établir leur programme à la carte. « Pour les DRH, cela permet de proposer des formations très pointues et très personnalisées sans devoir faire de gros investissements », remarque Yves Grandmontagne, consultant RH.

Une application Saas peut être implantée bien plus vite qu’une solution classique. L’arrivée depuis trois ans environ de solutions fondées sur le Saas (software as a service, le « logiciel en tant que service ») pour la gestion de talents, le recrutement, les évaluations… a en effet ouvert considérablement le champ des possibilités, même si une étude réalisée par le cabinet Markess International auprès de 120 décideurs montre qu’il y a encore un problème de définition. « Pour beaucoup de ces décideurs, la notion de Saas reste floue. Ils en ont entendu parler mais ils peinent à la décrire. En fait, ce qui les intéresse, c’est ce que cette technologie peut leur apporter plutôt que son fonctionnement technique », explique Hélène Mouiche, consultante chez Markess International.

Le Saas est l’un des éléments constituant le fameux cloud computing. En mode Saas, le logiciel utilisé par la DRH est hébergé par l’éditeur (dans ses locaux ou chez un prestataire de services qui dispose d’un datacenter) et non plus stocké dans les serveurs de l’entreprise. L’intérêt pour le client est multiple : il n’a plus besoin de s’inquiéter des mises à jour du logiciel puisque c’est le fournisseur qui s’en charge directement (en général une fois par an) et lui fait même profiter des enrichissements réclamés par les autres clients. Par ailleurs, il peut à tout moment moduler son parc en fonction de ses besoins, et le paiement se fait à l’usage et au volume de données échangées, ce qui permet d’ajuster les investissements. Et surtout une application Saas peut être implantée deux à trois fois plus rapidement qu’une solution classique car elle a peu d’impact sur le système d’information.

Pour les DRH, l’autre facette du Web 2.0, ce sont les réseaux sociaux. Si, pendant longtemps, la plupart des entreprises ont voulu ignorer ces réseaux ou les ont considérés comme des phénomènes non professionnels, elles doivent aujourd’hui reconnaître leur présence et leur utilité. Mais beaucoup de questions se posent : comment les intégrer ? Faut-il développer son propre réseau interne ou s’appuyer sur ceux qui existent (Viadeo, Facebook, LinkedIn pour les plus connus) en les adaptant à l’entreprise « Les RH regardent avec attention ce qui se passe et l’on voit se développer des réseaux sociaux internes, surtout dans les grandes entreprises. Néanmoins, il y a une grande prudence parce que l’on se heurte au problème de la confidentialité des données et de la maîtrise de l’information qui circule dans le réseau. S’il y a des débordements, cela peut nuire à la réputation de l’entreprise. Mettre en place un réseau social demande donc une réflexion globale en amont. Il faut que les informations qui viennent des collaborateurs soient structurées. C’est un axe stratégique car cela concerne tout l’écosystème de l’entreprise, les salariés mais aussi les clients et les partenaires », souligne Hélène Mouiche. L’analyste rappelle également que ces outils collaboratifs ne doivent pas être détournés à des fins personnelles mais rester centrés sur l’entreprise et ses métiers.

Tous producteurs de contenus professionnels. Face aux directions des ressources humaines réticentes à développer les réseaux sociaux et autres wikis, une étude réalisée récemment par L’Atelier BNP Paribas montre pourtant une appétence grandissante des managers : 38 % des cadres interrogés estiment en effet que les entreprises doivent communiquer sur les médias sociaux comme Facebook ou Twitter et 32 % disent privilégier les médias sociaux aux outils plus classiques comme les blogs ou les forums. Par ailleurs, plus d’un tiers de ces managers ont déjà utilisé ou pensent utiliser les médias sociaux pour mener des opérations destinées à séduire de nouveaux clients ou fidéliser leur clientèle. Certes, une partie de ces collaborateurs expriment encore des craintes, notamment celle de ne pas pouvoir conserver la maîtrise de la communication. Mais, en majorité (79 %), les réseaux sociaux sont perçus comme bénéfiques pour l’entreprise.

Toutefois, pour les cadres, cette dimension collaborative ne doit pas servir uniquement à valoriser leur entreprise à l’extérieur. Une seconde étude également réalisée par L’Atelier BNP Paribas dévoile que 61 % d’entre eux estiment que leurs compétences pourraient être jugées en fonction de ce qu’ils publient (courriels, documents de travail, échanges sur messagerie instantanée ou dans des réseaux professionnels…).

Et, de fait, la grande nouveauté apportée par les réseaux sociaux et autres blogs et wikis est de transformer tous les collaborateurs en producteurs de contenus professionnels. L’information ne vient plus d’en haut (DRH, direction de la communication…) mais de partout dans les entreprises. L’enjeu, particulièrement pour les DRH, va être de s’appuyer sur cette base d’informations et de connaissances pour adapter et personnaliser l’offre auprès des collaborateurs : « Avant, les DRH faisaient de la communication de masse. Désormais, avec le Web 2.0, la communication devient plus individualisée mais aussi plus collaborative », souligne Eddy Corcos, directeur de la stratégie d’ADP. Surtout, pour Alexandre Pachulski, directeur produits de TalentSoft, l’arrivée de ces outils et de ces nouvelles technologies a eu le mérite de dépoussiérer l’image des RH : « Jusqu’au début des années 2000, les RH étaient perçues par les collaborateurs comme les personnes faisant la paie et la gestion administrative. L’arrivée en 2005-2006 des outils pour gérer les formations a modifié un peu leur rôle. Mais ce sont les solutions pour accompagner la GPEC (gestion de talents, évaluation…) qui ont marqué un vrai changement, qu’accompagne le Web 2.0, car cela oblige l’entreprise à décloisonner ses processus. Ainsi, le responsable du recrutement doit communiquer avec le responsable de l’évaluation et de la formation. Quant au SIRH 2.0, il est certes resté l’outil des DRH, mais c’est aussi devenu celui des managers et des collaborateurs. » Une évolution qui, si elle est acceptée et animée, donne une place nouvelle à chacun dans l’entreprise.

3 questions à
Philippe Torres Directeur conseil et stratégie numérique de L’Atelier BNP Paribas

Que penser du fait que les cadres veulent voir leurs compétences jugées d’après leur publication sur les sites de l’entreprise ?

C’est en effet une tendance forte. Avec les nouveaux outils mis à leur disposition comme les smartphones et les mini-PC et l’habitude prise de publier sur Internet à titre personnel, les cadres créent de plus en plus de contenus dans le contexte professionnel et ils considèrent que cela devrait être pris en compte dans leur évaluation.

Que doit faire l’entreprise ?

L’entreprise ne peut pas ignorer le mouvement, car sinon les applications et les initiatives vont se développer de manière hétérogène et peu productive. Mais on ne doit pas laisser faire n’importe quoi. Il faut responsabiliser le collaborateur et lui montrer, s’il va sur des réseaux sociaux, qu’il représente l’entreprise à l’extérieur. On note un intérêt croissant des RH pour ce genre d’outils car elles y voient un lien direct avec leur métier. Après tout, Facebook était au départ un trombinoscope !

Que risquent les DRH si elles ratent le virage du Web 2.0 ?

Il n’y a pas eu de grandes entreprises qui ont disparu uniquement parce qu’elles avaient raté le virage numérique. Si l’organisation disparaît à cause d’erreurs stratégiques, c’est par exemple qu’elle n’a pas su redéfinir la relation client. On parle de révolution numérique mais il a fallu quinze ans pour qu’Internet révolutionne l’entreprise. Le défi n’est pas de se demander s’il faut intégrer ces nouveaux outils et ces nouveaux modes de fonctionnement car, de toute façon, dans dix ans, ils feront partie des standards de l’entreprise, mais plutôt à quel moment y aller et comment ?

Auteur

  • Florence Puybareau