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Vie des entreprises

Yves Chazelle veut rationaliser le Groupe SNI à tous les étages

Vie des entreprises | Méthode | publié le : 01.09.2011 | Éric Béal

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Yves Chazelle veut rationaliser le Groupe SNI à tous les étages

Crédit photo Éric Béal

Son DG en est convaincu, le premier bailleur social de France, filiale de la CDC, doit devenir un opérateur immobilier global. Au programme : rationalisation et performance, mais aussi culture et GRH de groupe.

Lorsque Yves Chazelle a pris, en mai 2010, la direction générale de la Société nationale immobilière (SNI), son prédécesseur, André Yché, actuel président du directoire, imprimait sa marque sur la stratégie de l’entreprise depuis plus de dix ans. Une philosophie qu’il a résumée dans le livre Logement, habitat et cohésion sociale. Au-delà de la crise, quelle société voulons-nous pour demain ?, publié en janvier dernier aux éditions Mollat. Véritable pavé dans la mare du monde HLM. En successeur et fidèle second, Yves Chazelle, un ancien directeur financier, entré en 1996 à la SNI, a repris le flambeau. « L’État et les collectivités locales connaissent des problèmes budgétaires, explique-t-il. Le 1 % logement n’a plus les mêmes moyens. Si les subventions diminuent, nous devrons nous arrêter de construire, ce qui ne va pas répondre au manque actuel de logements. »

Seule solution pour sortir de cette impasse selon le binôme : céder une partie du parc de logements HLM aux locataires pour « générer davantage de fonds propres permettant de financer de nouveaux projets de construc­tion ». Et transformer les entreprises sociales pour l’habitat (ESH, anciennement gestionnaires des HLM) en autant d’« opérateurs immobiliers globaux d’intérêt général, obéissant à une logique d’entreprise ». Ce programme se double, pour Yves Chazelle, de la nécessité de faire évoluer le Groupe SNI, constitué de filiales sans lien historique ou culturel entre elles, en un ensemble homogène.

1-Construire une culture commune

Le Groupe SNI est issu de la volonté de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), son actionnaire, de réorganiser ses investissements dans l’immobilier. En 2005, celle-ci transforme la SNI, société d’économie mixte (SEM) créée initialement par le ministère de la Défense, en une société privée dotée d’un directoire. Elle fait passer sous son contrôle les ESH du groupe Icade, dont elle est également actionnaire, ainsi que différentes SEM. En 2006, c’est au tour d’Efidis, une SEM de la Ville de Paris, de rejoindre le groupe, suivie de la Sagi. En quelques années, le Groupe SNI devient ainsi le premier bailleur de France, avec un patrimoine de quelque 300 000 logements, sociaux et intermédiaires, disséminés dans toutes les régions françaises. Quatre grandes activités regroupent une ou plusieurs entités juridiques : la gestion locative libre avec les établissements ré­gionaux de la SNI, la société Sainte-Barbe et des sociétés civiles immobilières en régions ; les entreprises sociales pour l’habitat (ESH), dont Osica et Efidis font partie ; une offre de conseil en urbanisme et gestion de ESH, avec la Scet ; et enfin l’accession à la propriété avec la Snap.

Conscient de la nécessité d’instiller une culture de groupe dans cet ensemble, Yves Chazelle a choisi de ne pas passer en force. « Je préfère obtenir l’adhésion des salariés autour de nos projets de développement. » Et de citer l’acquisition de 9 500 logements neufs en octobre 2008, pour contribuer au plan de relance de l’immobilier annoncé par le président de la République. « Ce fut l’occasion pour toutes les équipes du groupe de travailler ensemble et d’apprendre à se connaître », assure-t-il. Le groupe propose à ses cadres une formation basique aux outils de management, entrecoupée de missions sur le terrain. Mais ils n’ont pas de séminaires réguliers pour échanger leurs bonnes pratiques. Du coup, les salariés qui bénéficient d’une mobilité peuvent être surpris des différences de traitement. Dans certains services de la SNI, « les managers ne reconnaissent pas les efforts de leurs collaborateurs. Les départs ne sont pas remplacés et ceux qui restent subissent la pression de leur hiérarchie pour pren­dre en charge le supplément de travail », estime une ancienne salariée, partie dans une autre société du groupe dont les modes de management sont « plus humains ».

2 -Individualiser les salaires

Obsession du directeur général, la rémunération à la SNI est fondée sur la performance individuelle. Celle-ci est couplée avec les entretiens annuels dont le compte rendu est noté sur « l’agenda du management », un outil informatique qui permet le suivi des actions. « Tous les collaborateurs reçoivent des primes en fonction de leurs résultats », assure Denis Outin, le DRH groupe. Des choix qui n’enthousiasment guère les représentants du personnel. « L’individualisation des ré­munérations est un sujet de tension dans les équipes. Certains salariés estiment ne pas être rémunérés à la hauteur de leur implication », explique Laurence de Sousa, élue au CE de la SNI d’Ile-de-France.

Délivré depuis deux ans, le bilan social individuel ne semble pas avoir les vertus apaisantes espérées par la direction. Il s’agit d’un dossier d’information envoyé au domicile de chaque salarié qui contient une présentation de l’ensemble des cotisations et des dépenses payées par le groupe en sa faveur. « C’est un outil de fidélisation et d’information », fait valoir Denis Outin. Alain Jaouen, le DS CGT, n’y voit qu’un moyen de pression psychologique visant à faire taire les revendications salariales. Il préférerait une multiplication des mesures d’aide au management. « Le baromètre social réalisé cette année a démontré que notre management de proximité était en souffrance », explique-t-il.

3 -Harmoniser la GRH

La gestion de logements est le cœur de métier du groupe. Suivant les filiales, les gardiens et employés d’immeuble représentent entre 40 et 55 % des effectifs. Le reste des 4 700 salariés est constitué de chargés de clientèle, de comptables ou de responsables techniques, gestionnaires de patrimoine et ingénieurs chargés de suivre la rénovation de bâtiments et la construction de logements neufs. Quatre conventions collectives (immobilier, gardiens et employés d’immeuble, HLM et Syntec) couvrent les activités du groupe. « Nous avons l’obligation de les équilibrer grâce à des accords négociés au niveau du groupe », précise le DG. « Nous voulions faciliter les passages d’une entité à une autre », souligne Denis Outin. Un premier accord de mobilité a été signé en 2007 par les partenaires sociaux, et la négociation d’un accord de gpec vient de s’achever. « Grâce aux mesures d’aide financière et à la clarification des possibilités de développement de carrière, nous espérons porter le taux de couverture interne aux 500 propositions de poste que nous mettons en ligne chaque année », indique le DRH.

Un accord sur la gestion des seniors a également été signé en 2009, mais l’harmonisation du temps de travail s’est heurtée à la disparité des accords de RTT existants et à la fermeté des syndicats qui veulent un alignement par le haut. « L’instauration de forfaits jours pour l’ensemble des ca­dres n’obéit pas à l’esprit de la loi, note Pierre Guindon, DS CFE-CGC. Un grand nombre d’agents de maîtrise ont été promus cadres au forfait quand nous sommes passés aux 35 heures. Leur niveau de rémunération n’a pas évolué malgré les heures supplémentaires effectuées. » Les désaccords sont tels que le DRH a décidé de renvoyer la négociation au niveau des filiales. Où le dialogue social n’est pas toujours facile. À la SNI, l’entité de gestion locative libre, le DRH a refusé le versement de la « prime parisienne » – 207 euros mensuels pour compenser l’écart de pouvoir d’achat des Franciliens – aux anciens de la Sagi. Depuis, ce sujet a suscité plusieurs interventions de l’Inspection du travail et un salarié a porté l’affaire devant la justice.

4- Améliorer les performances

Le problème d’Yves Chazelle est simple. Une harmonisation négociée couvrant l’ensemble des salariés coûterait cher pour emporter la signature d’une majorité de syndicats. Or la CDC exige des résultats financiers élevés dans ses filiales. Un impératif bien compris par le DG. « On peut démontrer qu’une société œuvrant pour l’intérêt général peut être rentable », affirme-t-il. La formule est un euphémisme. En 2010, le groupe a réalisé un résultat net de plus de 126 millions d’euros, très supérieur aux objectifs. « Nous fournissons entre 8 et 10 % des résultats de la CDC », affirme Alain Jaouen, DS CGT, qui estime que son DG a les yeux un peu trop fixés sur les résultats financiers. Pascale Balmisse, la secrétaire du CCE de la SNI, s’attend à une accélération prochaine des réorganisations au sein du groupe. « Le cabinet Kurt Salmon vient de rendre un audit. Il est question de mutualisation et de réduction des équipes grâce au turnover et aux départs à la retraite », assure-t-elle. Dès cet automne, les réunions en CE pourraient être le théâtre de discussions serrées sur la gestion des pos­tes en doublon.

La direction essaie aussi de rogner sur les coûts salariaux. L’accord général d’entreprise de 2004 avait remplacé le 13e mois par une prime d’assiduité. Contesté devant les prud’hommes par la CGT, le texte a été annulé par la direction en 2008. Le 13e mois a été remis en place et la prime maintenue. « Dans notre entreprise, il faut sans cesse talonner la direction pour obtenir des résultats », affirme Alain Jaouen. Et le syndicaliste de pointer un document interne intitulé « Axes et outils de la politique RH », dont les conclusions relèvent que « le projet industriel du Groupe SNI […] lui impose de poursuivre son œuvre de rationalisation : adossement des structures entre elles [et] amélioration de sa productivité ». Entre l’investissement dans la GRH et la satisfaction de l’actionnaire, la voie est étroite pour Yves Chazelle.

Repères

Les racines du Groupe SNI plongent dans les années 50.

Quand l’État crée des sociétés d’économie mixte pour loger ses agents. Ces SEM fusionneront sous le nom de Sogima, devenue SNI en 1976. En 2010, le groupe, qui compte 4 700 salariés et réalise 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires, gère 293 750 logements. Il en a livré 7793.

2001

La SNI prend le contrôle de la SAS ? Sainte-Barbe.

2004

Elle devient filiale à 100 % de la Caisse des dépôts.

2005

Reprise des ESH issues de la Scic. Scet, CD Cités et CD Habitat rejoignent le groupe.

2006

Augmentation du capital, de 151,5 à 481,5 millions d’euros.

2007

L’année est marquée par les acquisitions d’Efidis et de la Sagi.

ENTRETIEN AVEC YVES CHAZELLE, DG DU GROUPE SNI
“Il y a des gens qui donnent plus que d’autres, il est normal qu’ils soient récompensés”

Le Groupe SNI est très éclaté. Comment managez-vous vos filiales ?

Nous sommes pour l’autonomie encadrée par de grands principes de gestion. Nous souhaitons unifier nos pratiques, mais nous n’avons pas choisi de passer en force. Nous préférons développer une culture managériale commune. Une formation dédiée à l’encadrement y contribue. Par exemple, lors de la constitution du groupe, nous n’avons pas voulu provoquer un choc en remettant en cause immédiatement les organisations et les outils. Nous avons pris le temps de nous concerter, pour choisir ensuite des solutions éprouvées et des choix consensuels.

Ou en êtes-vous du rapprochement des statuts et des avantages sociaux ?

Nous avançons à chaque fois que cela est possible, sans dénoncer les accords pour ne pas créer de choc et pour faire face au fort coût induit. C’est par le biais des accords négociés au niveau du groupe avec les organisations syndicales que nous rééquilibrerons les CCN avec l’évolution du statut de chaque entreprise.

Les modes de management doivent-ils être harmonisés pour développer le sentiment d’appartenance au groupe ?

Nous souhaitons développer le sentiment d’appartenance au groupe sans imposer nos options. Nous préférons susciter l’adhésion des managers au travers de projets comme le plan de relance de la construction de logements sociaux en 2008. Les équipes apprennent à se connaître en travaillant ensemble. Cela est complété par les formations internes ainsi que par « l’agenda du management », qui est un formidable outil d’information et de suivi des décisions issues de réunions régulières animées par les managers avec leurs collaborateurs.

Pourquoi avez-vous choisi d’individualiser la GRH et les rémunérations ?

Il y a des gens qui donnent plus que d’autres, il est normal qu’ils soient récompensés. Cela suppose évidemment d’assurer une vraie équité, de manière que les décisions prises soient incontestables. En parallèle, nous avons également développé le bilan social individualisé, envoyé tous les ans à chaque salarié. C’est un outil de communication présentant l’ensemble des avantages sociaux, cotisations et rémunérations dont bénéficie le salarié, de façon à lui donner une vision globale plus équilibrée de sa situation personnelle. Nous en profitons pour lui fournir à chaque fois des informations plus poussées dans un domaine particulier. L’an dernier, c’était l’épargne salariale, cette année la mutuelle prévoyance.

Cela est-il compatible avec le travail collaboratif en équipe ?

Absolument. Car nous avons également des leviers de valorisation du travail en commun. Les augmentations collectives existent toujours. Et surtout nous avons généralisé la participation et l’intéressement à l’ensemble des salariés du groupe. Pour 2010, 20 millions d’euros, soit 14 % de la masse salariale, ont été versés en 2011 au seul titre de la participation, rémunération complémentaire dont le mode de distribution contribue à un rééquilibrage des rémunérations.

Le dialogue social est parfois tendu au sein du Groupe SNI. Comment considérez vous les partenaires sociaux ?

Comme vous le dites, comme des partenaires. Je demande aux organisations syndicales d’être constructives. Nous leur présentons les informations les plus détaillées possibles. J’assume les désaccords que nous pouvons avoir avec eux, mais j’ai horreur des dénigrements systématiques.

Vous partagez la vision d’André Yché sur l’évolution inéluctable vers le métier d’opérateur immobilier. Pensez-vous faire école ?

L’évolution des finances publiques laisse un doute sur la tendance à la baisse des aides octroyées au secteur. Il faudra trouver d’autres financements pour construire du logement social là où il y a des besoins. Nous souhaitons vendre cha­que année 1 % de notre parc aux locataires pendant les dix ans à venir et assurer la gestion des copropriétés ainsi constituées. En cas d’accident de la vie, nous pourrons racheter leur bien aux acquéreurs et les reloger dans le parc locatif. À terme, nous sommes convaincus que la majorité des bailleurs sociaux nous suivront.

Propos recueillis par Éric Béal et Jean-Paul Coulange

YVES CHAZELLE

52 ans.

1982

Après un diplôme d’études comptables supérieures, cadre comptable chez 3F.

1986

Directeur comptable et administratif chez Breguet.

1996

Directeur financier de la SNI.

1999

Directeur général adjoint de la SNI.

2004

Membre du directoire.

2010

Directeur général.

Auteur

  • Éric Béal