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Idées

Faut-il allonger le congé paternité ?

Idées | Débat | publié le : 01.09.2011 |

Présidente du Medef, Laurence Parisot a proposé aux partenaires sociaux d’engager des négociations au cours du second semestre sur un congé paternité obligatoire. Une piste également explorée par le récent rapport de Brigitte Grésy, inspectrice de l’Igas, qui préconise la création d’un congé d’accueil de l’enfant à la naissance, réparti entre le père et la mère.

Françoise Fillon Déléguée générale de l’Union nationale Retravailler

L’allongement du congé de paternité relève de la nécessité. Aussi soutenons-nous la proposition de Brigitte Grésy de doubler sa durée, mesure simple, concrète et stratégique, qui devrait avoir un double impact : l’évolution des us et coutumes, d’abord, et celle des pratiques de gestion des congés parentaux, ensuite. En allongeant la durée du congé paternel, c’est le rôle du père au moment de la naissance de l’enfant qui fait l’objet d’une reconnaissance réaffirmée, au travail, dans la famille, dans la société. Cette nouvelle étape pour le partage des responsabilités et la reconnaissance de la parentalité participe d’une évolution sociétale en marche : de plus en plus de femmes et d’hommes souhaitent s’investir et se réaliser professionnellement et personnellement, de plus en plus d’hommes revendiquent une paternité active, de plus en plus de femmes ont les qualifications requises pour exercer des responsabilités. Cela étant, les femmes restent pénalisées par la maternité : en âge de devenir mères, elles sont freinées par le risque de grossesse et, devenues mères, par leur supposée moindre disponibilité ; leurs évolutions professionnelles ne sont pas égales à celles des hommes. Allonger le congé de paternité, c’est faire contrepoids au congé de maternité et à sa charge exclusive sur les carrières des femmes. Cette stratégie de rééquilibrage décharge les mères de la responsabilité de l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale et neutralise le stéréotype de moindre disponibilité qui en découle, à l’origine de beaucoup d’inégalités professionnelles et salariales.

Pour les entreprises, l’allongement du congé de paternité peut apparaître comme une source de complication, tout en devenant une problématique globale de gestion des effectifs qui devrait « déféminiser » le problème. On peut espérer que cette désexuation encourage une professionnalisation de leur gestion et, ce faisant, leur dédramatisation. Trop de femmes craignent d’annoncer leur grossesse sur leur lieu de travail, trop peu d’hommes usent du congé parental, car trop peu d’organisations sécurisent les interruptions liées à la vie familiale. En faisant du congé de paternité un incontournable significatif, on invite les pratiques de gestion des ressources humaines à se renouveler en s’appropriant la mixité des investissements professionnels et familiaux comme une nouvelle donne de leur fonction.

Geneviève Roy Vice-présidente de la CGPME, chargée des affaires sociales

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Depuis quelques semaines, certains, tant du côté des organisations patronales que de celui des confédérations syndicales de salariés, proposent de rendre le congé de paternité obligatoire et de l’allonger. Notre confédération estime que le dispositif actuel ne né­cessite pas de réforme structurelle, notamment pour le rendre obligatoire. Les statistiques disponibles montrent que beaucoup des bénéficiaires potentiels du dispositif l’utilisent. En 2004, près de 370 000 pères avaient pris leur congé de paternité pour une durée moyenne de 10,8 jours. Ce dispositif fonctionne donc bien sur le plan quantitatif. Il semble aussi qu’il fonctionne sur le plan qualitatif, puisqu’il est utilisé de façon différenciée. Les pères de 30 à 34 ans et ceux dont la conjointe travaille sont attirés par ce dispositif alors que les moins de 30 ans et les plus de 40 ans l’utilisent moins. Ce sont les pères qui ont le plus d’enfants et ceux dont les revenus d’activité sont les plus faibles qui recourent le moins à ce mécanisme. Rendre ce congé de paternité obligatoire serait une erreur majeure car on ne pourrait plus prendre en compte les situations très différentes des pères et les souhaits et comportements qu’elles induisent. De plus, ce caractère obligatoire ­pénaliserait beaucoup de pères qui souhaitent pouvoir augmenter leurs revenus au moment où ils fondent une famille. Allonger le congé de paternité serait également une erreur parce que se poserait la question du financement du coût supplémentaire. Dans les circonstances présentes, on se doit d’être extrêmement prudent quant à la création de dépenses supplémentaires pour la collectivité.

La CGPME a toujours milité pour un meilleur partage entre la vie privée et la vie professionnelle, mais elle considère que ce sont les mentalités de nos concitoyens qui doivent continuer à évoluer pour que, dans un couple, lorsqu’un choix majeur doit être fait, en particulier sur la carrière, il n’y ait pas d’a priori et que les deux membres du couple soient placés à égalité. Toutefois, si, dans le cadre d’une négociation nationale interprofessionnelle ou d’une concertation avec les pouvoirs publics, il fallait apporter des aménagements au dispositif actuel, on pourrait envisager d’approfondir une piste : les quinze derniers jours du congé de maternité pourraient être pris par le père ou par la mère. Ainsi, il n’y aurait pas de surcoût pour les entreprises ou pour la collectivité, et un véritable choix pourrait s’exercer à l’intérieur de la famille.

François Fatoux Délégué général de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises

Les réglementations dans le domaine de l’égalité professionnelle se sont succédé en France sans réussir à combler les inégalités salariales entre hommes et femmes et sans que soient remis en cause aussi bien le plafond de verre qui prive les femmes de pouvoir accéder aux postes de pouvoir que la segmentation des métiers qui empêche les femmes de travailler dans des métiers considérés comme masculins et, inversement, les hommes de pouvoir travailler dans des métiers dits féminins. Depuis que l’Orse se penche sur les questions d’égalité et étudie les pratiques des entreprises, nous avons fait l’analyse selon laquelle les politiques d’égalité devaient aller plus loin en faisant des hommes à la fois des sujets et des acteurs.

Faire des hommes des sujets de l’égalité professionnelle en leur octroyant des avantages qui leur seront réservés, comme le bénéfice d’un congé de paternité plus long. Tant que les dispositifs d’articulation entre travail et vie familiale ne seront utilisés que par les femmes (congé parental, temps partiel…), les entreprises rechigneront à embaucher des femmes et à leur confier des responsabilités. À partir du moment où sera reconnu aux hommes le droit, mais aussi le devoir, d’assumer leurs responsabilités parentales et domestiques, les femmes pourront investir réellement l’entreprise. Promouvoir le congé de paternité obligera les entreprises à repenser leur système d’organisation du travail et d’aménagement des horaires qui donne une place trop importante au management fondé sur le présentéisme. Il n’est pas normal qu’un homme soit déconsidéré à la fois par ses managers et par ses collègues s’il quitte son travail à 18 heures pour aller chercher ses enfants à l’école ou s’il prend un quatre-cinquième. Faire des hommes des acteurs de l’égalité professionnelle de manière que les politiques d’égalité ne soient pas vécues comme accordant des avantages (promotions, augmentations de salaire) aux femmes au détriment des hommes.

Les nouvelles générations d’hommes ont cons­cience que les entreprises se sont construites sur des « normes de conformité masculines » (violence, refus du doute, refus de tout ce qui peut apparaître comme féminin) et qu’elles en subissent elles-mêmes les effets destructeurs. C’est la raison pour laquelle la création d’un véritable congé de paternité contribuerait à une société égalitaire, aussi bien dans le travail que dans la sphère privée.