Petit à petit, sa voix chevrote. Employée dans une boucherie industrielle, elle raconte ces « mots sales » que son patron lui déversait quotidiennement, les brimades. « L’esclavage n’existe plus. Plus on donne, plus on vous demande », raconte cette licenciée à un syndicaliste. Ils sont garagiste, chef de rayon, aide-cuisinière sans papiers, chimiste… Face à la caméra de Stéphane Goël – qui travaille depuis 2002 sur ce projet –, ils décrivent cette souffrance indicible qui les amène à porter plainte aux prud’hommes. Les scènes se passent en Suisse. Mais pourraient tout aussi bien se dérouler dans l’un des 210 conseils français. On suit les plaignants des salles d’audience aux permanences syndicales en passant par l’Inspection du travail. Terrain d’observation idéal pour scruter les maux de notre société, la justice sociale a des vertus thérapeutiques. Certains conflits qui auraient pu se régler devant la machine à café explosent au grand jour. Au-delà des discussions de marchands de tapis sur le « combien », tous viennent là pour sauver leur dignité. Une quête que le réalisateur effleure, mais sans jamais donner la parole à ces acteurs, ni apporter de commentaire. Il filme en temps réel, de façon quasi clinique. Quand Raymond Depardon réussissait à nous faire vibrer d’émotion dans 10^e Chambre, instants d’audiences, Stéphane Goël, lui, nous donne juste à voir…

Prud’hommes, documentaire de Stéphane Goël (1 h 25). Sortie en salles le 8 juin.