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L’allongement du congé paternité, une belle intention

Actu | Veille | publié le : 01.06.2011 | Peggy Corlin

L’idée d’une amélioration du congé des pères fait son chemin. Mais la route s’annonce longue.

En proposant, le 8 mars, un congé paternité obligatoire, la présidente du Medef, Laurence Parisot, a pris tout le monde de court, dans le camp patronal comme chez les syndicats. Hormis la CFDT Cadres qui, lui emboîtant le pas, a proposé de porter l’actuel congé à 2 mois, avec une prise en charge minimale de 80 % du salaire. Un terrain sur lequel Laurence Parisot ne s’est pas aventurée, se contentant de suggérer un rapprochement progressif avec les 16 semaines du congé maternité.

En France, les pères bénéficient déjà de 3 jours après la naissance de l’enfant et, depuis 2002, de 11 jours à prendre dans les 4 mois qui suivent la naissance. Le congé est indemnisé en moyenne à 72 % du salaire par la Sécu. En 2005 – dernière étude en date ! –, la Drees évaluait que 70 % des pères utilisaient ce droit. Les jeunes cadres étant les plus enclins à en profiter, il y a lieu de penser que la courbe reste ascendante, sinon stable. D’autant que l’image du congé s’améliore dans l’entreprise. Une étude récente de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises montre que sur 165 accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle signés en 2010, 63 % (contre 29 % en 2005) prévoient des dispositions améliorant le congé paternité, le plus souvent en maintenant l’intégralité de la rémunération.

Or c’est l’argument principal des pères contre ce congé : la perte de salaire. De ce point de vue, l’Europe pourrait venir à la rescousse. En octobre 2010, le Parlement européen a proposé d’introduire 15 jours de congé paternité rémunérés à 100 % dans le cadre de la directive sur le congé maternité. Le Conseil de l’UE, où siègent les 27 États membres, doit encore se prononcer. La navette législative entre les deux institutions prendra de nombreux mois. Car certains pays, dont la France et, surtout, la Grande-Bretagne, se refusent à financer une telle mesure, d’autant plus en période de crise.

Autre difficulté, la diversité des systèmes existants. Pour la France et d’autres pays du Sud, le congé paternité, qui vise l’égalité entre hommes et femmes, n’a pas sa place dans un texte sur le congé maternité, dont l’objectif est de protéger la santé de la mère.

De leur côté, les pays nordiques ont abandonné la distinction entre congé maternité et congé paternité pour les rassembler en un congé parental. En Suède, ce dernier est pour chaque parent de 240 jours, financés à 80 % du salaire, dont 60 ? jours non transférables au conjoint. Autour de 90 % des pères en profiteraient. Mais ils sont bien moins à prendre l’ensemble du congé, préférant transférer le reste à la mère. Le partage des risques pour la carrière demeure ainsi déséquilibré.

Selon Olivier Thévenon, économiste à l’OCDE, l’exemple à suivre est celui du Portugal qui, en 2009, a lancé un congé parental de 120 jours, dont 45 obligatoires pour la mère, avec un bonus de 30 jours si les deux parents partagent le congé. Soit, le cas échéant, 150 jours rémunérés à 100 % du salaire, contre 80 % s’ils n’utilisent que 120 jours. « Comment obliger un père à partir en congé sinon en lui accordant un droit individuel non transférable et des incitations financières ? » interroge Olivier Thévenon. Une étude d’impact du Parlement européen a évalué qu’en France le coût de 2 semaines de congé paternité rémunérées à 100 % atteindrait 410 millions d’euros sur 20 ans et ponctionnerait à hauteur de 2 milliards d’euros les finances publiques. Des montants à relativiser. Les avantages qualitatifs – développement de l’enfant, santé des parents, retour des femmes sur le marché du travail – sont, eux, très difficilement quantifiables.

Auteur

  • Peggy Corlin