Michel Godet n’est pas vraiment de gauche, ce qui détonne dans le petit monde des essayistes s’intéressant aux évolutions de la société française. Ensuite, il ne se contente pas de brasser les concepts et les chiffres. Ses diagnostics sont appuyés sur des exemples concrets et riches en leçons directement applicables. Ni optimiste ni « décliniste », le fond de sa pensée est plutôt ronchon. L’immobilisme de nos politiques l’énerve. Cette fois, le professeur au Cnam a fait un effort, confrontant des témoignages et des analyses sur des expériences qui montrent que « la France bouge » avec ses convictions plus générales, que, socialement et économiquement, nous filons un mauvais coton. Ce second constat revient comme un leitmotiv. Tout y passe : les déficits qui gonflent la dette publique, l’échec scolaire et, bien sûr, les 35 heures, ses vieilles têtes de Turc. Autant de prétextes à une série d’alertes sur les maladies de notre corps social. On le sait, 20 % des jeunes sortent du système éducatif sans maîtriser les savoirs de base, et notre protection sociale a des rendez-vous cruciaux en perspective. Ces maux, Godet les a souvent décrits. La nouveauté vient de ce qu’il y oppose des petites histoires qui sont autant de pistes pour faire sortir les Français de leur crise de confiance. On parle handicap, autour de l’expérience d’un centre de formation professionnelle à l’informatique pour handicapés ; le développement durable est abordé au travers de l’exemple de Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire), devenu une vitrine de la qualité de vie sociale en milieu rural ; les conditions du renouvellement des cursus scolaires par la voie de l’apprentissage sont explorées au travers du Campus de l’artisanat et des métiers de Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor. Cette énumération se termine par « 12 conseils pour penser et agir autrement » : avoir confiance, élargir le spectre de ses connaissances, allonger la durée de vie professionnelle, développer le temps choisi, veiller à la légalité des mouvements de grève… De petites pierres qui bâtissent une autre France, plus innovante et plus soudée, selon Michel Godet. À la fin de l’ouvrage, le débatteur reprend ses droits, défendant la retraite à points et à la carte, fustigeant l’assistance à outrance, prônant un « service public maximum » en temps de grève, jugeant prioritaire la lutte contre les inégalités de patrimoine, mais aussi contre celles, moins connues, de statut. Un vrai programme antiélectoral !
Bonnes Nouvelles des conspirateurs du futur, Michel Godet. Éditions Odile Jacob. 340 pages, 20 euros.
