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Bien dans leur tête, efficaces au travail

Dossier | publié le : 01.05.2011 | R.L.S.

Pressing, garde d’enfants d’urgence, démarches, voire consultation psy… Quand l’entreprise prend en charge leurs tracas quotidiens, les salariés peuvent garder la tête au travail et gagner du temps.

Services de psychologues, formation à la sécurité routière, réseau de garde d’enfants d’urgence gratuit… Les entreprises ont tendance à choyer leurs salariés, et ce pour leur libérer l’esprit. « En 2010, on a senti un frémissement des actions mises en place par les entreprises pour faciliter le quotidien de leurs salariés », constate Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise. Même si elles se défendent de tout paternalisme contemporain, elles balisent de plus en plus la vie de leurs employés en dehors du travail ; avant tout pour les garder dans leur pré carré, à l’image du service de conciergerie du cabinet d’audit et de conseil Deloitte, lancé il y a dix ans. Une fuite d’eau pourrit le quotidien d’un salarié, une tache s’invite sur le costume d’un autre, une envie de se changer les idées s’est glissée dans celle de son collègue ? Pas de problème, le salarié peut rester uniquement concentré sur son travail, puisque le service de conciergerie du siège de l’entreprise, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), est là. Sans que l’employé n’ait rien à débourser en plus, la conciergerie envoie en vitesse un plombier chez le premier, la veste du deuxième au pressing et réserve une place au spectacle ou au restaurant pour le dernier.

Un outil de rétention. « Notre volonté n’est pas que tout se passe dans l’entreprise. Néanmoins, la conciergerie est un outil de facilitation et de rétention, reconnaît Véronique Staat, associée RH chez Deloitte. Ce n’est pas pour elle que les salariés vont rester, évidemment, mais s’ils ont l’esprit libre parce qu’ils ont juste à récupérer leur panier de légumes de la semaine ou leur tailleur propre en sortant du travail, c’est un plus. » En tout, un salarié sur deux travaillant au siège de Deloitte utilise la conciergerie, soit un millier de personnes. Même si ce genre de services est davantage envisageable, puisque plus rentable, dans une grosse structure, il est également possible de le mutualiser. Par exemple, à Lyon, Deloitte a créé un système de conciergerie multientreprise. D’ailleurs, « même si les grandes entreprises sont pionnières dans le domaine, dans un deuxième temps, elles emmènent dans leur sillon les PME. Ces dernières se rassemblent de plus en plus pour créer des services communs à proposer à leurs salariés. Des collectivités locales, à l’instar d’Issy-les-Moulineaux, les mettent également en place », remarque Jérôme Ballarin, de l’Observatoire de la parentalité en entreprise.

Autre service rendu par Deloitte, mais aussi par d’autres entreprises, comme BNP Paribas : un système de garde d’enfants d’urgence. « Si, un beau matin, la nourrice d’un collaborateur est malade, en deux heures, SOS Nounou lui en fournit une. Rien que de savoir que cela existe, ça tranquillise », note Véronique Staat. Mais derrière l’étiquette de services gracieux rendus à ses salariés se cache aussi l’objectif de leur permettre d’enchaîner le plus d’heures de travail possible, leur métier étant « chronophage », comme le reconnaît l’associée RH.

L’idée qu’un salarié bien dans sa tête fait du bon travail est donc en vogue. Dans cette optique, la société ASP a lancé le Ticket Psy, fin 2008. Ils servaient de monnaie d’échange pour une séance chez le psychologue et ne pouvaient être délivrés que par le médecin du travail. Fin 2010, face aux polémiques suscitées par ce service, ASP y a renoncé. Parmi ses détracteurs, le Syndicat national des psychologues : « Ces Ticket Psy permettaient de consulter un psychologue qui avait une indépendance toute relative par rapport à l’employeur du salarié, puisqu’il passait une convention avec. On peut espérer qu’il n’y avait pas de risque de fuite de ce qui se disait pendant la consultation, mais le service n’était pas suffisamment neutre pour le salarié », dénonce Jacques Borguy, secrétaire général du syndicat.

À la SNCF, ce sont les enfants de cheminots qui sont invités à consulter. Chaque année, ils sont près de 2000 à utiliser le centre d’orientation scolaire de la SNCF et un millier à aller voir gratuitement psychologues cliniciens, pédopsychiatres ou orthophonistes, dans l’un des sept centres médico-psycho-pédagogiques de la SNCF. Et cela fait longtemps que les cheminots et leurs familles sont choyés : le centre d’orientation a été créé en 1935 et l’ancêtre des centres médico-psycho-pédagogiques, appelé « de neuropsychiatrie infantile », date de 1946. « On est dans l’esprit du paternalisme, c’est ainsi qu’a commencé l’action sociale. On parle souvent du statut des salariés SNCF mais, au début du siècle, le chemin de fer nécessitait beaucoup de main-d’œuvre, il fallait la fidéliser. Ces services représentaient une contrepartie, d’autant plus qu’à l’origine les salaires des cheminots n’étaient pas très élevés », retrace Jean-Pierre Loyer, responsable de l’action sociale à la SNCF.

Chez Bouygues Telecom, les allergiques aux tracasseries administratives peuvent confier l’obtention de leur carte grise ou donner une procuration au personnel de la conciergerie pour faire faire un passeport, moyennant 35 euros. Pas de demi-journée à poser pour faire la queue à la préfecture, un autre s’en charge. Sur les sites d’Issy-les-Moulineaux et de Meudon, les quelque 5 400 collaborateurs de Bouygues Telecom disposent également d’un garagiste au sein de l’entreprise. Une fois le devis fait, il n’y a qu’à confier ses clés de voiture le temps de la révision ou de la réparation puis à la récupérer sur son lieu de travail. Le but affiché par Bouygues Telecom ? Faire gagner du temps à ses collaborateurs et faciliter la conciliation de leur vie professionnelle et personnelle.

Pour François Fatoux, délégué général de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises, il ne faut pas voir du paternalisme contemporain dans ce type de services : « Ce n’est pas un engagement unilatéral de la direction, mais l’expression d’une volonté collective. Ce qui est nouveau, c’est qu’à présent les services de facilitation de la vie professionnelle et personnelle sont évoqués dans le dialogue social. »

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  • R.L.S.