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Métropoles

Tout n’est pas rose dans l’industrie locale

Métropoles | publié le : 01.04.2011 |

L’aéronautique et le secteur spatial donnent le la. Mais, derrière les annonces de reprise de l’activité, la situation des entreprises industrielles toulousaines est plus nuancée. Conflits sociaux à la clé.

Pour ses vœux aux forces économiques, Nicolas Sarkozy a choisi Toulouse et surtout… Airbus. Il faut dire que l’avionneur est le symbole d’une France qui gagne sur le plan industriel. Globalement, Midi-Pyrénées a plutôt mieux résisté à la crise économique que les autres régions grâce, essentiellement, à l’aéronautique et au spatial, qui jouent incontestablement le rôle de locomotive.

En dix ans, le secteur a créé 10 000 emplois. Et, selon la dernière « Note » de l’Insee (février 2011), « la croissance de l’activité industrielle se poursuit au quatrième trimestre 2010, dépassant son rythme de longue période ». « Nous vivons à la cadence du Beluga, l’avion qui transporte les pièces détachées », note Joseph Bellanca, patron de FO Haute-Garonne. Marc Jouenne, directeur des relations sociales d’Airbus, s’en félicite : « Nous avons été moins impactés par la crise que les compagnies aériennes. Notre carnet de commandes est plein. Nous devons produire dans les prochaines années 3 500 appareils. » Chez le constructeur d’avions régionaux ATR, les prises de commandes ont doublé. « En ce moment, tout le monde respire, constate-t-on à l’Inspection du travail. D’autant plus qu’Airbus a annoncé des recrutements importants. Les sous-traitants savent qu’ils profiteront de la situation. » En 2010, l’avionneur a recruté 700 salariés, pour l’essentiel en ingénierie et production ; 2011 sera encore meilleure.

Airbus a en effet prévu 3 000 embauches en Europe sans préciser combien pour Toulouse. Certains édiles locaux avancent le chiffre de 1100. Airbus lance en fait la chaîne de production de l’A350 et augmente en même temps les cadences de production de ses programmes en série du type A320. Le constructeur peut donc affirmer que la crise est bien derrière lui. Son problème aujourd’hui est de recruter. Il peut s’appuyer sur son propre lycée professionnel, véritable vivier. Il entretient aussi de très nombreuses relations avec des universités du monde entier via l’Airbus University Board, où siège Thierry Baril, le DRH groupe.

Du côté des fournisseurs du grand donneur d’ordres, le discours est plus nuancé. Petits ou grands, tous ont été touchés par le plan de réorganisation d’Airbus Power 8. Celui-ci a divisé par deux le nombre de ses sous-traitants. Les plus solides ont pu s’appuyer sur leur politique RH pour absorber le choc. Comme Spie Sud-Ouest (6 000 salariés). Le département aéronautique a perdu son contrat de maintenance avec l’avionneur. « La solution de facilité aurait été de faire un PSE. Mais la valeur forte de l’entreprise, c’est sa solidarité. En deux mois, nous avions repositionné tous nos salariés dans d’autres services du groupe », souligne Christophe Dubouloz, le DRH, qui a aussi beaucoup joué sur la formation pour atténuer les effets.

Réduction de la voilure. Chez Latécoère, partenaire de rang 1 d’Airbus, le moral des troupes n’est pas encore complètement au beau fixe, alors que 2011 annonce le retour de la croissance. « Jusqu’en 2008 nous étions en pleine expansion. L’entreprise embauchait. Et puis le projet de rachat de l’usine Airbus de Méaulte, dans la Somme, est tombé à l’eau. Un coup dur pour les équipes », se souvient Pierre Burello. En plus d’un niveau d’endettement trop important, l’entreprise mythique a enchaîné les mauvaises passes. Ses principaux clients (Embraer, Dassault…) ont divisé par deux, voire par quatre, les cadences de production. L’entreprise n’a pas fait de plan social en France. Elle a réduit la voilure côté intérimaires, fermé un site en répartissant les équipes dans la région. Mais le contrecoup ne s’est pas fait attendre. « La CFE-CGC m’a alerté il y a plus d’un an et demi d’un mal-être grandissant chez les cadres, explique le DRH. Nous travaillons depuis à renforcer le rôle de l’encadrement. Cela est très bien vécu en interne. Nous devons faire muer la société toulousaine, qui a longtemps été une PME familiale locale, en un groupe d’envergure internationale. »

Les petites PME n’ont pas eu ces marges de manœuvre. « Bien sûr, les carnets de commandes sont pleins, mais ils sont aussi en décalage avec les business plans présentés il y a plusieurs années, souligne Anouk Déqué, présidente de la CGPME de Haute-Garonne. Pour tenir, elles ont rogné sur leurs investissements mais aussi sur les départs en formation. Et c’est grave. » Elles ont aussi licencié. Mais de façon moins spectaculaire, donc moins visible, que certaines grandes entreprises de la région.

La crise et la restructuration imposée par Airbus ont réussi à faire bouger, un peu, les relations entre les grands donneurs d’ordres et la myriade de PME qui ne veulent plus être considérées comme de simples sous-traitantes. Un message que porte Philippe Robardey, président du Medef 31 et patron de Sogeclair – 70 % de l’activité de cette entreprise de 900 salariés sont réalisés avec l’aéronautique et le spatial. Il veut désormais faire admettre les relations d’interdépendance qui lient les fournisseurs et les donneurs d’ordres. « Avant Power 8, les fournisseurs vivaient dans des relations du type you take it or you leave it, admet Philippe Robardey. Depuis, les relations sont moins déraisonnables. Le fait que Fabrice Brégier [directeur général délégué d’Airbus] préside l’association Pacte PME pousse les donneurs d’ordres à porter un regard différent sur leur environnement. »

Dégâts dans la sous-traitance automobile. L’embellie aéronautique ne peut pas cacher complètement les tensions qui persistent pour d’autres entreprises industrielles de la région. Les dégâts ont été importants dans la sous-traitance automobile. Molex, l’usine de connectique de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), a licencié ses 283 salariés pour mieux délocaliser l’activité. Et 188 d’entre eux contestent aujourd’hui aux prud’hommes la légitimité de leur licenciement.

Freescale, de son côté, a mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi dès 2009. Moins médiatique, il est pourtant plus important que celui de Molex puisque 1100 salariés sont concernés. Il a surtout été mieux accompagné : formation, recensement d’offres d’emploi dans la région. La CGT avait attaqué le PSE mais a finalement retiré sa plainte avant que l’affaire ne passe au tribunal d’instance. D’ici à la fin de l’année, seuls 600 ingénieurs en recherche et développement resteront sur le site. Chez Continental, c’est encore une autre histoire. Depuis près d’un an, la direction et deux syndicats majoritaires, CGT et CFDT, se livrent à un bras de fer. L’entreprise a annoncé en juin 2010 vouloir réduire les coûts du travail de 8 %. Pour « trouver » des solutions, elle a réunit des salariés « volontaires » en groupe de travail, écartant les salariés syndiqués. « Nous avons d’emblée contesté le principe. Ce type d’information doit passer devant les instances représentatives du personnel », note Sami Hamida, délégué syndical CFDT. La direction a alors procédé à un référendum sur les trois sites de la région. Résultat : 52 % des salariés ont voté pour les mesures présentées par l’entreprise, plaçant les syndicats en porte à faux. Mais rien n’y a fait. CGT et CFDT contestent.

Pour sortir ce conflit de l’enlisement, un médiateur a été désigné par le préfet de région à l’automne. Jean-Louis Chauzy (voir page 36) n’a pas réussi à régler la situation. « J’ai été nommé trop tard. Et la culture du compromis n’est pas le point fort de la CGT ni de la CFDT de Continental. » Sur le site toulousain, ni banderole ni brasero. Pour Sami Hamida, « c’est une guerre psychologique épuisante. Le moral des salariés n’est pas bon et les départs sont nombreux, surtout chez les jeunes. Mais nous sommes persuadés que, si nous reculons, nous connaîtrons le même sort que nos collègues de Clairoix ». Seul l’avenir le dira. A.-C.G.

LES POIDS LOURDS

SAS

(Aéronautique)

16 500 salariés

Pierre Fabre

(Santé)

3 600 salariés

Safran

(Défense, aéronautique)

3 000 salariés

Continental Automotive

(Électronique embarquée)

2 650 salariés

Thales Alenia Space

(Espace)

2 360 salariés

Astrium (EADS)

(Espace)

2 290 salariés

3A Coop

(Agroalimentaire)

2 200 salariés

Groupe Latécoère

(Aéronautique)

1 800 salariés

Cnes

(Espace)

1 760 salariés

Daher-Socata

(Aéronautique)

1 440 salariés

Source : Midi-Pyrénées Expansion, 2009.

Le réseautage, un sport toulousain

Toulouse est peut-être une ville du Sud accueillante, chaleureuse. Mais il est difficile d’y trouver sa place sans s’adonner au réseautage. Le monde des ressources humaines n’échappe pas à ce principe. « La ville est très active en termes de clubs professionnels. Même Lyon n’a pas cette dynamique. Cela s’explique par la croissance démographique. Plus de 15 000 personnes s’installent chaque année ici », analyse Stéphane Adnet, directeur du développement de Merlane, cabinet de conseil en management et ressources humaines originaire de Toulouse. Le cabinet, dirigé par Jean-Claude Merlane, est à l’origine du Club Management et Ressources humaines (CMRH). Créé en 2005 avec 44 adhérents, le CMRH en compte aujourd’hui une centaine. « Le club n’est pas exclusivement centré sur les problématiques RH. Il traite aussi des questions de management », explique Stéphane Adnet, qui anime le club présidé par Patrick Roux, le DRH de Freescale. « Créativité et intelligence collectives », « bien-être et santé au travail » sont au programme des prochaines matinées débat. Le cabinet Merlane se montre très actif sur le marché du réseautage et entend clairement se positionner comme Le réseau d’influence de la ville. Il est aussi à l’origine des Cafés RH, créés sur le modèle de Lille et qui fédèrent les formations en ressources humaines de la métropole (IAE de Toulouse, IGS et Toulouse Business School). En face, l’ANDRH locale a plus de mal à exister sur le plan médiatique. Présidée par Gilles Souyris, DRH de Tisséo (le réseau de transport de la métropole), l’association réunit 180 adhérents. « Ce sont souvent les mêmes que ceux du CMRH, sourit Gilles Souyris. Nous ne sommes pas vraiment en compétition. Nos adhérents sont majoritairement des professionnels de la fonction RH et des consultants. » À côté de ces deux réseaux, le Groupe des 10 se veut plus sélectif. « C’est un club informel créé il y a vingt-cinq ans. Il réunit des DRH de l’aéronautique, du spatial et des systèmes embarqués. Nous venons aussi d’accueillir les Laboratoires Pierre Fabre, qui s’implantent à Toulouse, indique Pierre Burello, le DRH de Latécoère. On échange sur nos pratiques, la santé des entreprises, le climat social. » Et quand l’activité économique peine, les entreprises n’hésitent pas à s’entraider en favorisant le détachement de salariés. Dernier réseau en vue, le Germe (Groupe d’entraînement et de réflexion au management des entreprises). L’association compte une trentaine de participants et s’attache surtout aux problématiques de management. Elle est présidée par… Pierre Burello.