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Enquête

Union sacrée pour revitaliser le sud de l’Alsace

Enquête | publié le : 01.03.2011 | Anne Fairise

La deuxième ville d’Alsace a lancé, fin 2008, une vaste animation territoriale pour bâtir un diagnostic sur l’emploi dans l’Alsace du Sud. Objectif : permettre des mobilités entre métiers en déclin et métiers émergents. Une approche préventive qui s’appuie sur une gouvernance partagée.

Permettre aux licenciés de l’industrie textile déclinante d’être vite recrutés dans les métiers du bâtiment liés à la croissance verte, en plein boom… Ce n’est plus le rêve sur papier d’un technicien de l’emploi coupé des réalités. Mulhouse et son bras armé dans le bassin d’emploi couvrant 38 communes – la maison de l’emploi et de la formation (MEF) – commencent à lui donner corps. En construisant des passerelles permettant les transferts de compétences entre les postes menacés et ceux en développement.

Dès juin, le Sud Alsace percevra les fruits de la démarche initiée fin 2008, symboliquement baptisée TransverS’AL. Avis aux salariés, aux chômeurs, aux conseillers emploi, formation, insertion du Sud Alsace : sur monmetierdedemain.com, ils pourront, d’un clic, consulter 550 passerelles entre 30 métiers fragiles et 100 métiers émergents, avec présentation des formations envisageables, des perspectives d’emploi, des conditions de travail, et force témoignages. « C’est l’outil qui manquait aux actifs pour envisager leur mobilité professionnelle », s’enthousiasment Dominique Huard, directeur de la MEF, et son président, Philippe Maitreau, adjoint chargé de l’emploi et des finances. Mais inutile de leur parler de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences appliquée au territoire, la « GPECT », très en cours dans les services de l’État ! Ils lui préfèrent la « gestion territoriale des RH ».

Une vision économique de l’emploi. Rien d’un combat d’exégètes : Dominique Huard veut marquer l’ambition mulhousienne. Dans le choix du périmètre : quatre bassins d’emploi. Dans le public ciblé : les actifs, et non les salariés. Dans l’ampleur du diagnostic, mené sur cinq filières en déclin ou émergentes. D’autant que, pour établir un bilan de santé conforme à la réalité, l’approche a été plus qu’exhaustive, nourrie d’entretiens et d’études, jusqu’au décorticage des bilans financiers des entreprises ! De quoi recenser le nombre d’entreprises en difficulté, de métiers obsolètes et de salariés à des postes menacés. « Ces diagnostics ont réservé des surprises. Ici, un nombre de sociétés en difficulté plus important. Là, dans le textile technique, des perspectives d’emplois insoupçonnées », précise Dominique Huard, qui a fait valider les résultats par les syndicats professionnels, les représentants des branches et des fonds de formation. Autant dire une approche globale, éloignée de certaines GPECT se résumant à l’envoi de questionnaires…

Inutile aussi d’interpeller l’élu Philippe Maitreau sur la date attendue d’inflexion de la courbe du chômage (plus de 11 % depuis 2009). « La baisse du chômage n’adviendra que du développement économique. La démarche TransverS’AL ne s’inscrit pas dans une logique curative mais préventive, pour anticiper les reconversions, les recrutements, éviter les ruptures professionnelles et sécuriser les parcours », rétorque le vice-président de la communauté d’agglomération de la région de Mulhouse.

Du préventif et non du curatif : cette « vision économique de l’emploi » est revendiquée haut et fort dans le ? Manchester français, frappé par la désindustrialisation. Le volet emploi est, de longue date, porté par l’élu, chargé de l’économie, histoire d’assurer le relais. Mulhouse a été parmi les premières municipalités à inclure des clauses d’insertion dans les marchés publics ou lors de grandes implantations (Auchan, Kinepolis). « On ne crée pas d’emplois sans entreprises », martèle Philippe Maitreau, logiquement devenu président du plan local pour l’insertion et l’emploi (Plie) puis de la maison de l’emploi, également atypique. Alors que la majorité accueille et oriente les publics, la MEF se consacre à la prospective et à l’animation territoriale.

Dé-cloi-son-ner, faire émerger un dialogue territorial de qualité, c’est justement le cœur de TransverS’AL, dont le comité de pilotage réunit 40 « partenaires » de l’emploi : préfecture, région, Pôle emploi, syndicats professionnels et de salariés, représentants de la formation professionnelle… « C’est la première fois que nous nous retrouvons, à 40, concentrés sur un objectif commun », note Dominique Muller, présidente du Forthac Alsace. De quoi faire tomber les logiques d’acteurs et initier un diagnostic partagé et intersectoriel sur l’emploi ? C’est l’objectif visé, pour éviter les divergences d’enjeux, de temporalités et lancer des actions articulées mettant en cohérence stratégies de développement économique et des compétences. Rien d’une sinécure. « Les partenaires ne se connaissaient pas assez. Certains se sont sentis en concurrence », note Marie-Odile Lenhardt, directrice du Fongecif Alsace.

« La bonne gouvernance est la clé du succès. C’est elle qui permet de faire émerger un langage commun et de mettre en place des actions partagées », renchérit Dominique Huard. Six mois ont été nécessaires à la MEF, pilote avec l’État et la région, pour obtenir un consensus sur 15 objectifs déclinés en actions : guide présentant dispositifs et acteurs de la formation dans le Sud Alsace, campagne de communication sur la formation destinée aux salariés, syndicats et chefs d’entreprise, avec un numéro vert unique…

Cela a outillé TransverS’AL. Le site monmetierdedemain.com devrait commencer à faire bouger le territoire. Comme l’entrée en vigueur de l’accord, signé fin 2010 entre l’État, Agefos et Opcalia dans le cadre d’un « engagement de développement de l’emploi et des compétences » (Edec) bâti sur la base du diagnostic dégagé ! « Il permettra une allocation plus articulée des ressources », espère Philippe Maitreau, qui y voit une illustration de la complémentarité de l’action de l’État et du territoire. « Pôle emploi travaille sur le stock de demandeurs d’emploi ; TransverS’AL envisage le marché du travail par les mouvements. Or c’est la mise en œuvre des mobilités professionnelles qui permettra au stock de ne pas augmenter. » L’État l’a compris, qui veut étendre TransverS’AL à toute l’Alsace.

Auteur

  • Anne Fairise