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Éditorial

L’exception et la règle

Éditorial | publié le : 01.03.2011 | Jean-Paul Coulange

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L’exception et la règle

Crédit photo Jean-Paul Coulange

On ne sait s’il convient de se réjouir ou de se plaindre de l’armistice signé dans les ports. Après l’accord trouvé avec les organisations patronales, les dockers voient enfin reconnue la pénibilité de leur métier, même si le précédent texte d’octobre 2010, retoqué par le gouvernement, était beaucoup plus généreux. Chez leurs employeurs, le soulagement est compréhensible à l’idée de voir le travail reprendre sur les quais, si tant est que la base ne se braque pas. Quant au secrétariat d’État aux Transports, il se félicite que le texte, en instaurant une cessation anticipée d’activité de deux ans, s’inscrive dans le respect de la réforme des retraites, qui prévoit ce cas de figure pour les salariés victimes d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné une incapacité de 10 à 20 %, selon les cas.

Et pourtant, il ressort comme un sentiment de malaise à l’issue de ce conflit. La Fédération nationale des ports et docks CGT a pris soin de préciser que « le principe d’une anticipation additionnelle dans un cadre différent de la pénibilité » est acquis. Autrement dit, on peut déjà prévoir que les sociétés privées de manutention vers lesquelles seront transférés grutiers et portiqueurs en vertu de la réforme portuaire seront priées, de gré ou de force, d’améliorer l’accord de février en allant au-delà des deux années de rabais. Moyennant quoi la CGT des ports et docks aura gagné sur toute la ligne. Si l’on en croit le récent rapport de la Cour des comptes, cette confrérie ne serait pas la plus à plaindre. À Marseille, nous expliquent les magistrats de la Rue Cambon, la durée réelle du travail avoisinerait plutôt les 15 heures que les 35 heures. Allez comprendre pourquoi, dans ces conditions, le métier serait si pénible qu’il amputerait l’espérance de vie des dockers de sept à huit années. Ce qui est, soit dit en passant, l’écart observé entre les cadres et les ouvriers sans que ces derniers bénéficient d’une mesure générale…

Mais il y a d’autres aspects gênants dans cette affaire. Entre un départ anticipé pour les salariés dont l’incapacité devra avoir été reconnue et le bonus de deux ans octroyé de facto à 6 000 ou 8 000 dockers, sur fonds publics, la différence est de taille. Ce ne serait pas la première fois que l’exception confirmerait la règle. La loi sur les transports du 8 décembre 2009 a garanti au Syndicat national des pilotes de ligne sa représentativité, en contradiction totale avec celle du 20 août 2008, qui prévoit que la représentativité d’une organisation syndicale découle de son score lors des élections professionnelles. En concédant cet avantage aux pilotes, le gouvernement Fillon 2 prenait un risque limité. En validant l’accord trouvé par les partenaires sociaux du secteur portuaire, le gouvernement Fillon 3 pourrait voir d’autres corporations tendre la sébile et réclamer des mesures spécifiques pour reconnaître la pénibilité de leur activité.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange