logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Vie des entreprises

Recruter sur compétences

Vie des entreprises | CONSEIL ET INFORMATIQUE RH | publié le : 01.05.2000 | Sabine Fessard

À l'ANPE, deux chercheurs ont mis au point une méthode de sélection à l'embauche par simulation qui se passe d'entretien.

« Nous avons mis au point une méthode de sélection à l'embauche faisant fi du diplôme, de l'âge, du sexe ou de l'origine sociale de la personne pour écarter la sélectivité artificielle du marché de l'emploi. » Placer les compétences, qualifiées d'habiletés, au cœur du recrutement, telle est la méthode développée et proposée aux entreprises depuis 1995 par Georges Lemoine et Pierre Liège, professeurs à l'université de Poitiers et consultants à l'ANPE : méthode baptisée « recrutement par simulation ». Au total, 45 entreprises ont appliqué ce mode alternatif de sélection via l'ANPE, dont Heuliez, pionnier avec 1 500 embauches, les Chantiers de l'Atlantique, Cegetel, Bouygues Telecom ou Thomson. Près de 10 000 recrutements ont été opérés à ce jour, dont un bon tiers concernent des personnes en grande difficulté d'insertion « qui n'auraient probablement jamais eu la chance de retrouver un emploi sans cela », commente Georges Lemoine. Gratuite pour l'entreprise, la méthode coûte 1 500 à 2 000 francs par recrutement à l'ANPE.

Évaluer les habiletés sans faire appel aux entretiens d'évaluation ? C'est ainsi qu'Ariès Industries (plasturgie) a embauché 25 opérateurs l'an dernier : Olivier Mormillod, le recruteur, ne les a rencontrés qu'à l'occasion de l'entretien final d'embauche. « Je n'aurais peut-être pas retenu certains d'entre eux si j'avais eu avec eux des rendez-vous de recrutement classiques », reconnaît Olivier Mormillod. Les personnes ont été choisies sur la base de trois habiletés clés : la faculté à travailler sous tension, l'attention et la dextérité manuelle, déterminées par Ariès Industries dans un catalogue de 14 types d'aptitudes professionnelles recensées par Georges Lemoine. Les candidats ont été évalués via des exercices étalonnés auprès des opérateurs en poste chez Ariès Industries. L'un d'entre eux, testant l'habileté au contrôle et à la qualité, consiste à assembler des pièces de Meccano en équipe selon un plan et dans un temps donné et à contrôler le travail final.

Éviter la « note de gueule »

« Nos exercices ne visent pas à reproduire le poste en tant que tel. Nous faisons travailler par analogie : proposer un Meccano permet d'évaluer l'aptitude des candidats à mobiliser certaines habiletés dans un champ inédit. On est ainsi sûr que la personne les détient », expose Pierre Liège. Sur les 200 candidats, seuls 25 ont franchi le cap des exercices et ont été embauchés, sauf ceux qui avaient entre-temps trouvé un emploi ailleurs.

Éviter la « note de gueule », donner toutes les chances aux chômeurs de longue durée, aux femmes, aux étrangers ou aux personnes de plus de 50 ans, tel est l'objectif, in fine, de la méthode. Dans la Plastic Valley, à Oyonnax, le chômage frôle le seuil plancher de 4 %. Pierre Quey, directeur d'exploitation de Siap 01, société d'application de peinture de 45 salariés, recrute actuellement 15 personnes, via l'ANPE et les exercices d'habileté : « Résister à la fatigue ou savoir arrêter la production en cas de problème, ça ne s'apprend pas dans les diplômes. » Les candidats aux postes à Siap 01 sont tous chômeurs de longue durée. S'ils réussissent les épreuves d'habileté, Pierre Quey leur proposera un essai puis une embauche définitive en contrat à durée indéterminée. « Traditionnellement, j'essuie 70 % d'échecs après l'embauche. Là, plus de 50 % des candidats échouent aux tests d'habileté, gageons que les autres resteront plus longtemps chez moi ! »

Auteur

  • Sabine Fessard