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Éditorial

Ne réveillez pas le fantôme des 35 heures !

Éditorial | publié le : 01.02.2011 | Jean-Paul Coulange

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Ne réveillez pas le fantôme des 35 heures !

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Chacun a bien compris que la réouverture intempestive du débat sur les 35 heures relève de la gesticulation politique, alors que s’esquisse déjà la campagne présidentielle de 2012. Mais, en stigmatisant la réduction du temps de travail, tant Jean-François Copé que Manuel Valls jouent aux apprentis sorciers. À gauche, il ne faudrait pas oublier que les lois Aubry ont été l’une des raisons de la déroute socialiste à l’élection présidentielle de 2002. Le PS se voyant sévèrement sanctionné par la population ouvrière, qui n’a pu que constater les dégâts de la modulation du temps de travail mise en place dans beaucoup d’entreprises sur sa feuille de paie, brutalement délestée de précieuses heures supplémentaires.

Côté majorité, on trouvera matière à réflexion dans les sondages d’opinion réalisés en ce début d’année. Ces indicateurs soulignent qu’une majorité de Français sont opposés à la suppression pure et simple des 35 heures, qui n’est, certes, pas l’objet du débat. Mais également qu’ils se montrent sceptiques quant à l’efficacité de cette mesure pour la compétitivité des entreprises et inquiets quant à ses conséquences en termes d’emploi. Une minorité en attend des effets positifs sur son porte-monnaie. Ce ne sont pas les déclarations de Nicolas Sarkozy et François Fillon, pointant les effets pervers d’un relèvement de la durée du travail sur le pouvoir d’achat, qui vont inverser la tendance.

Difficile de se forger une opinion à partir des avis d’experts qui se sont risqués sur cette brûlante question. Une fois que la facture des 35 heures et le nombre d’emplois créés par la mise en œuvre des lois Aubry, il y a dix ans, ont été confrontés et que les mesures d’assouplissement successives décidées depuis 2002 ont été égrenées, le débat porte vite sur le coût du travail en France (lire également pages 70 et 71). Et, là encore, les chiffres prêtent à discussion. À l’aune du comparatif entre la France et l’Allemagne, qui devient l’alpha et l’oméga ces temps-ci, l’écart paraît probant. Mais l’envolée du coût du travail de ce côté-ci du Rhin observée depuis le début des années 2000 est sujette à diverses interprétations si l’on fait porter le benchmark sur la seule industrie.

Dans ces conditions, on s’en remettra au pragmatisme des entreprises. Parmi les plus grandes, on ne manifeste guère l’envie de remettre les accords 35 heures sur la table des négociations, ni de risquer de compromettre les savants équilibres âprement négociés il y a dix ans. Quant aux PME, elles ne regardent qu’un seul indicateur : celui de leur carnet de commandes, qui, actuellement, ne nécessite pas, malheureusement pour elles, de faire travailler davantage leurs salariés. De sorte que la récente charge de Laurence Parisot contre la RTT apparaît bien décalée. Outre qu’elle donne le sentiment de coller aux slogans de l’UMP, la présidente du Medef semble en porte à faux avec beaucoup de ses mandants qui ne veulent surtout pas réveiller le fantôme des 35 heures.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange