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Un paysage syndical redessiné

Dossier | publié le : 01.02.2011 | S.D.

Si les minoritaires trinquent, les ténors ne sont pas à l’abri. L’évolution sociologique, avec davantage de cadres, profite à la CGC. Mais les organisations en lice sont plus nombreuses et les campagnes électorales plus animées…

Chez Airbus, la CFDT s’est brûlé les ailes aux élections professionnelles qui se sont déroulées en décembre dernier sur le site de Toulouse. Avec 7,8 %, la centrale réformiste, au demeurant cosignataire de la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail de 2008 – qui impose aux syndicats d’obtenir au moins 10 % des voix aux élections professionnelles pour être représentatifs –, reste au sol. Traditionnellement majoritaire chez l’avionneur, FO, avec 42,2 % des voix, demeure le pilote dans l’avion. Bien implantée sur le site de production de Nantes, la CGT perd toutefois ses élus au comité d’établissement de Toulouse. La campagne, qui a exacerbé la concurrence et poussé les syndicats menacés de disparition à durcir le ton, a été tendue, et l’alliance entre FO, la CGC et la CFTC à Toulouse a explosé en vol.

Progressivement, les nouvelles règles de représentativité redessinent le paysage syndical dans les entreprises, en faisant disparaître les syndicats minoritaires et en confortant le plus souvent les leaders historiques. Quand leur hégémonie n’est pas remise en cause… Ainsi, la CGT perd du terrain dans quelques-uns de ses bastions. Encore largement majoritaire, la centrale de Montreuil s’essouffle à la RATP (34 % des voix, en baisse de 3 points) au bénéfice de SUD, qui double (près de 14 %) son score par rapport aux dernières élections en 2006. Elle recule à La Poste et à GDF Suez, où elle chute de 7 points. Dans la branche des industries électriques et gazières, elle reste de loin le premier syndicat du secteur, mais passe au-dessous de la barre des 50 %.

La CGT pourrait perdre en influence. Grande gagnante, l’alliance CGC-Unsa y arrive en deuxième position, devant la CFDT et FO. La CFTC, en revanche, passe à la trappe. « Il est possible que la CGT paie sa stratégie d’unité syndicale insuffisamment offensive aux yeux des partisans d’une ligne plus dure, durant les manifestations contre la réforme des retraites. Elle n’a, par exemple, pas donné de consignes au niveau confédéral en faveur d’une grève reconductible et son message a semblé brouillé », analyse René Mouriaux, politologue, directeur de recherche honoraire à la Fondation nationale des sciences politiques.

Cette perte d’influence illustre aussi le déclin du monde ouvrier et la part croissante des cadres et des professions intermédiaires. Une évolution sociologique qui profite à la CGC, laquelle tire plutôt bien son épingle du jeu dans plusieurs entreprises. Chez Axa, par exemple, elle passe devant la CGT. Chez Alcatel-Lucent, où la CFDT remporte plus de la moitié des voix, elle arrive en deuxième position. Chez IBM, elle reste favorite, devant la CFDT, la CGT et l’Unsa. Dans le secteur bancaire, où il drague depuis longtemps les employés en passe de devenir cadres, le SNB CFE-CGC tient la corde avec la CFDT. « Nous poursuivons deux objectifs : d’abord, franchir le seuil fatidique des 10 %, ensuite franchir si possible les 30 %, pour être en capacité de signer seul des accords », explique Régis dos Santos, président du SNB, qui rêve d’un rapprochement (difficile) avec l’Unsa, le syndicat qui monte grâce à une stratégie offensive de création de sections. Le syndicat autonome est ainsi majoritaire aux Caisses d’épargne et à la Bred. « Il nous est plus difficile de nous implanter dans les réseaux de la Société générale, de BNP Paribas ou du CIC, car le terrain syndical y est déjà largement occupé, par le SNB et la CFDT notamment », nuance Luc Martin-Chauffier, secrétaire général Unsa de la Fédération nationale des banques, assurances et sociétés financières. Mais, tous secteurs confondus, le syndicat le plus menacé est la CFTC. La centrale chrétienne a sauvé sa peau de justesse à BNP Paribas en 2009 (en faisant valoir que le protocole électoral avait été négocié antérieurement à la loi) et progresse chez Capgemini, où elle tient la deuxième place derrière la CFDT. Mais elle disparaît chez Axa, Alcatel-Lucent, IBM… A priori préservée au niveau national, FO, qui a subi le même sort que la CFTC dans ces trois entreprises, se défend bec et ongles en se jouant des failles de la loi.

Les enjeux sont tels que les campagnes électorales deviennent plus passionnées et mobilisent davantage salariés et délégués syndicaux, qui risquent leur mandat. « Les nouvelles règles créent une concurrence plus forte entre syndicats et nous obligent à muscler le ton, note Michel Castel, délégué syndical CFTC chez Sogeti, filiale de Capgemini. Nous avons redoublé d’efforts pour inviter les cadres, pas spontanément tournés vers le syndicalisme, à voter. » Test de taille conditionnant l’audience électorale au niveau de la branche du Syntec, les élections au sein de la SSII, qui se sont déroulées en mai dernier par vote électronique, ont donné lieu à d’interminables négociations sur le protocole électoral. « La première conséquence de la loi a été d’élargir le champ des postulants, explique le DRH, Jacques Adoue. Nous nous sommes retrouvés avec neuf organisations en lice, au lieu des cinq traditionnelles, ce qui a passablement compliqué les négociations concernant l’élaboration du protocole électoral. Et puis les nouvelles règles ont renforcé les enjeux dès le premier tour. » S’il est prématuré de dire qui sortira grand gagnant de la réforme, rendez-vous est pris en 2013, date à laquelle seront agrégés les résultats nationaux et de branche.

À la RATP, la CFDT et FO ont eu chaud

Si la CGT, en léger recul, reste la première force syndicale à la RATP, la CFDT et FO ont sauvé de justesse leur peau en franchissant le seuil fatidique des 10 %, lors des élections professionnelles qui se sont tenues en décembre dernier. La CFTC, en revanche, avec un score inférieur à 1 % des voix, disparaît corps et âme de l’échiquier syndical. L’Unsa reste en deuxième place, avec plus de 25 % des voix.

SUD, qui défend des positions plus radicales, s’installe durablement. En doublant son score par rapport aux précédentes élections en 2006, avec plus de 14 % des voix, il se hisse à la troisième place et progresse, dans les services de maintenance par exemple. Les élections s’étaient déroulées dans un climat tendu entre SUD et les autres organisations syndicales. En novembre dernier, SUD avait en effet porté plainte contre X pour abus de confiance, après un audit interne sur les moyens accordés aux syndicats, révélant notamment un contrôle insuffisant de l’entreprise publique. S. D.

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  • S.D.