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Les nouvelles clés du dialogue social

Dossier | publié le : 01.02.2011 | G.D.

La loi du 5 juillet 2010 en est encore à ses balbutiements. C’est dans la fonction publique d’État que ses effets devraient être les plus spectaculaires avec le primat nouveau donné à la négociation. CGC et CFTC auront du mal à subsister.

Il a fallu deux ans avant que les accords de Bercy signés en 2008 sur la rénovation du dialogue social dans les fonctions publiques trouvent leur traduction législative. Fruits d’un compromis « historique » conclu avec six organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CGT, FSU, Unsa, Solidaires), ces accords ont été transposés « aussi fidèlement que possible », s’est félicité le secrétaire d’État Georges Tron. Manière de souligner les bonnes dispositions du gouvernement à l’égard des syndicats alors que s’amorçait la réforme des retraites. Un timing surprenant, persiflent certains, notant que la réforme est d’une étonnante générosité avec les fédérations de fonctionnaires. « Pendant le “mouvement” contre la réforme des retraites, l’opinion a pu croire que les ponts étaient rompus entre les syndicats et le pouvoir à l’origine de tous ces mauvais coups. Il n’en était rien. Malgré la position “dure” de l’intersyndicale, le “dialogue social” se poursuivait et il a abouti : les appareils syndicaux seront à l’abri de l’austérité qui frappe les salariés », observe Dominique Labbé, spécialiste du syndicalisme à l’IEP de Grenoble. Le chercheur fait notamment référence aux dispositions de la loi (articles 2 et 3) garantissant la promotion des élus syndicaux et à l’« amélioration » promise des droits syndicaux.

Pour les partisans des accords, il s’agit avant tout de réanimer une démocratie sociale qui, dans la fonction publique, est presque en mort clinique. « Il faut mettre la négociation sur le devant de la scène et en finir avec les jeux de rôle et les vagues rencontres », plaide Gérard Alézard, ancien secrétaire confédéral de la CGT. La loi, qui vise « à promouvoir une véritable culture de la négociation à tous les niveaux où celle-ci peut s’exercer », rompt avec le cadre juridique qui prévoyait des négociations uniquement sur l’évolution des rémunérations. Désormais, l’État employeur, les collectivités territoriales, les structures hospitalières pourront entamer des négociations sur des thèmes aussi variés que le pouvoir d’achat, le déroulement des carrières, la formation professionnelle ou… l’organisation du télétravail. Elle inaugure également l’« accord majoritaire » aux différents niveaux de l’administration. Pour beaucoup, la véritable révolution touchera la fonction publique d’État. « Le processus de négociation va devoir se faire sa place », résume pudiquement Josette Théophile, la directrice générale des ressources humaines pour le ministère de l’Éducation nationale.

Comme dans le privé, la réforme impose en outre de nouvelles règles de représentativité. Or le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement a fait preuve d’une certaine tempérance. Au niveau local, 10 sièges sont à pourvoir dans les comités techniques – les instances consultatives de la fonction publique – « de proximité », ce qui met la barre à 10 %, comme dans les entreprises du privé. En revanche, l’étau se desserre au niveau des comités techniques nationaux : 15 sièges, soit un seuil autour de 6 %; 20 sièges pour les comités techniques de chaque fonction publique, soit une obligation de récolter environ 5 % des voix. Les élections prévues le 20 octobre 2011 dans la plupart des ministères et dans l’hospitalière (la convergence avec la territoriale se fera en 2014) se feront sur listes et non plus sur sigles et concerneront l’ensemble des personnels, y compris les 873 000 non-titulaires.

Dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, le paysage syndical ne devrait pas connaître de sérieux bouleversements, même si la CGT et la CFDT veilleront à endiguer l’implantation de la FSU ou de SUD dans la territoriale. Si ces seuils permettront à des DRH de garder certains interlocuteurs privilégiés, « aucune organisation n’est à l’abri de disparaître d’un secteur donné », assure Gérard Aschieri, l’ex-patron de la FSU. Malgré son tropisme « public », la CGT devrait par exemple souffrir à l’Agriculture, à l’Outre-Mer et surtout à l’Éducation nationale, tout comme Force ouvrière et peut-être même la CFDT (voir encadré). Avec 4,3 % et 2,2 %, la CGC et surtout la CFTC devraient sortir du paysage dans la fonction publique d’État.

La plupart des acteurs du jeu syndical ne prévoient pas de « fusion-acquisition » entre organisations avant le prochain scrutin, mais certains pronostiquent tout de même quelques « rapprochements ». Tout dépendra bien sûr du climat local : « Va-t-on essayer d’inventer un melting-pot ou prend-on le couteau entre les dents pour être représentatif ? » interroge Bernard Cassagne, secrétaire général du syndicat FO de la Caisse des dépôts et consignations, qui sera probablement « limite » en termes de représentativité.

Big bang syndical dans l’Éducation nationale

Une logique liberticide. » Le secrétaire général de la Fédération nationale de l’éducation et de la culture FO s’est étranglé après la décision, fin novembre, de mettre un terme à la dérogation accordée au ministère de l’Éducation nationale qui lui permettait d’accorder 20 sièges au lieu de 15 aux représentants du personnel dans son comité technique ministériel. Avec moins de sièges à pourvoir au CTM et la nouvelle logique de seuil électoral, FO pourrait voir sa représentativité contestée dans l’Éducation nationale, malgré le récent renfort du Snetaa qui syndique des enseignants de lycée professionnel. FO n’est pas la seule à devoir se faire du souci. Alors que la FSU et l’Unsa Éducation seront les vainqueurs du prochain scrutin, la CGT, SUD, la Fédération autonome de l’Éducation nationale et même le Sgen CFDT devraient souffrir. « Boîte à idées » du syndicalisme enseignant, le Sgen sera ric-rac au niveau local, notamment à Nice, Montpellier ou Clermont-Ferrand. Le Sgen pourrait, à terme, se rapprocher de l’Unsa Éducation, avec qui il est souvent sur la même longueur d’onde. À l’opposé, le Syndicat national des lycées et collèges, le Snalc, considéré comme corporatiste et conservateur, cherche des alliances pour garantir sa représentativité. Le plus vieux syndicat de l’Éducation nationale (1905) s’inquiète pour son avenir et celui de sa fédé, la Confédération syndicale de l’Éducation nationale (CSEN), que vient pourtant de rejoindre le Syndicat des personnels de laboratoire de l’Éducation nationale. En dépassant les logiques corporatistes, la réforme implique une révolution des mentalités. Autre « révolution » à venir, le scrutin de 2011 inaugurera le vote électronique. Une vraie gageure dans un ministère qui emploie près de 1 million de personnes.

Auteur

  • G.D.