Au cœur du capitalisme, on l’oublie trop souvent, il y a l’entreprise. « Extraordinaire outil à résoudre les problèmes, vecteur d’efficacité sans pareil, expliquent Michel Drancourt et Bertrand Collomb, l’entreprise est aussi une communauté humaine, où chacun doit pouvoir “se réaliser” et trouver une satisfaction dans l’action collective. » Leur ouvrage recense d’abord tout ce qui a changé dans l’environnement de l’entreprise moderne. À commencer par la globalisation. L’articulation du global et du local rend difficile la tâche du manager de terrain qui doit sacrifier une partie de son autonomie au profit d’une mutualisation de fonctions comme l’administration, la comptabilité, les achats ou la gestion de trésorerie. L’autre grande révolution subie par l’entreprise et ses salariés, c’est celle de la financiarisation. Selon Drancourt et Collomb, le rapport au temps de l’acteur financier et de l’acteur industriel est fondamentalement différent. Libéraux revendiqués, ils en appellent à un nouvel équilibre entre l’État et le marché, réaffirmant que le succès de l’entreprise « est indissolublement lié à celui des sociétés dans lesquelles elle vit ». L’ancien patron de Lafarge et l’économiste retracent ensuite la prise de conscience progressive par les grands groupes emblématiques du capitalisme industriel au XXe siècle de la nécessité d’une approche sociale débordant la problématique du bien-être de leurs salariés. Prenant l’exemple de l’accueil réservé au plan social de Danone en 2001, ils font le constat « qu’une action sociale jugée légitime par l’entreprise peut être interprétée autrement par l’opinion politicomédiatique ». Nos deux auteurs perçoivent ce qu’il peut y avoir de choquant dans la rémunération de certains dirigeants mais notent simplement que, « dans la plupart des pays, il a été décidé de soumettre ces rémunérations “excessives” au jugement des actionnaires, meilleurs juges de la façon dont l’argent de “leur” entreprise pouvait être utilisé ». Ils restent réservés face aux idées de démocratisation de la gouvernance de l’entreprise. En revanche, ils se montrent plus ouverts au développement durable, prônant un « partenariat » entre les entreprises et la « société civile » pour assurer une meilleure prise en compte de l’environnement. Attentifs aux problèmes de la société autant qu’aux difficultés de la tâche des producteurs de richesse, ils esquissent ainsi une troisième voie plus « humaine » pour le capitalisme du XXIe siècle.
Plaidoyer pour l’entreprise, Bertrand Collomb et Michel Drancourt. François Bourin Éditeur, collection « Société ». 324 pages, 22 euros.