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Politique sociale

L’Oise minée par les plans sociaux

Politique sociale | publié le : 01.11.2010 | Anne-Cécile Geoffroy

Fermetures et restructurations se suivent. Et avec elles la perte d’emplois industriels. Malgré les dispositifs mis en œuvre, l’Oise a du mal à redresser la tête.

On est en train de liquider notre industrie. » Jean-Pierre Bosino, maire PC de Montataire, est aussi abattu qu’en colère. Goss International a annoncé mi-septembre 311 suppressions d’emplois sur 600. « Je suis très inquiet pour la pérennité de l’usine, même si la direction nous assure que la fermeture n’est pas à l’ordre du jour. » Installée en centre-ville, l’entreprise qui fabrique des rotatives de presse est un peu le poumon de cette cité ouvrière du bassin creillois. « La direction a annoncé qu’elle financerait les salaires jusqu’en novembre. Le PSE doit être bouclé pour la fin du mois », ajoute Georges Oganesoff, délégué syndical CFDT. Depuis le début de la crise, Montataire n’en est pas à son premier PSE. L’an dernier, Akzo Nobel Nippon Paint, producteur de peintures et de vernis, a fermé un atelier et licencié 65 salariés.

Le plan social de Goss International est une énième réplique du tremblement de terre qui s’est abattu sur la Picardie en 2009. En un an, 9 000 emplois ont été supprimés dans ce département où étaient installés de nombreux sous-traitants automobiles. Le taux de chômage a bondi de 5 points pour atteindre 9,6 % de la population active. Les jeunes sont les plus touchés. Leur taux de chômage tutoie les 40 %. « Le taux d’occupation des machines est à 76 %, alors qu’en moyenne il tourne autour de 82 %, note Christophe Heymès, secrétaire général de l’UIMM 60. Cela signifie que les commandes ne sont pas suffisantes pour faire tourner le parc, donc investir et créer des emplois. »

Dans la zone industrielle de Breuil-le-Sec, dans l’ouest du département, Philippe Rosselot dirige une entreprise de maintenance industrielle. Avant la crise économique, ses principaux clients s’appelaient Lear Corporation, ZF Sachs ou Sodimatex. Toutes ces entreprises ont fermé avec la crise. Pas question d’embaucher, même si son chiffre d’affaires est en progression de 10 % par rapport à l’an dernier. « Il est aussi en recul de 25 % par rapport à 2008, calcule ce patron. Dans les deux semaines qui viennent, je ne sais pas si je pourrai faire travailler mes gars. » Du coup, il cherche à faire des économies partout. « On travaille trente-six heures sur quatre jours. Le vendredi les deux halls sont fermés. J’économise sur le chauffage et l’électricité. »

632 Conti sans solution. À Clairoix, les chaînes de l’usine de pneus de Continental, fermée en 2009, sont en train d’être démontées. « Ils les envoient aux quatre coins du monde », explique Antonio da Costa, le secrétaire du comité d’entreprise. Sur les 1 113 Conti, seuls 113 ont retrouvé un emploi en CDI, en CDD ou en mission d’intérim de plus de six mois ; 72 sont déclarés invalides et une petite trentaine ont créé leur entreprise. « Plus de 200 personnes sont en formation, mais vous avez surtout 632 salariés en congé de mobilité sans aucune solution depuis la fermeture », souligne le syndicaliste. Et ce malgré la cellule de reclassement Altedia installée à Compiègne dès l’annonce du PSE. « Les salaires sont très faibles dans l’Oise, indique Alexandra Soumeire, l’avocate du CE de Continental. Les Conti qui perçoivent, le temps de leur congé de mobilité, 80 % de leur salaire se voient proposer des emplois moins rémunérés. »

Pour combler cet écart avec la réalité du marché et inciter les salariés à reprendre le chemin de l’emploi, les syndicats et la direction viennent de signer un accord. Plus vite ils retrouveront un boulot, plus forte sera la prime, qui s’étale de 4 800 euros à 21 200 euros. « Nous avons également négocié une incitation destinée aux entreprises locales. Continental prendra en charge les deux premiers mois de salaire si le salarié est embauché en CDI », explique la direction.

La Défense, qui restructure aussi dans le département, a injecté 12 millions d’euros à Senlis, Noyon et Compiègne. Les chambres consulaires gèrent sept fonds de revitalisation pour un total de 3,3 millions d’euros : des conventions prévoient des aides allant de 3 000 à 5 000 euros par emploi créé. Mais les résultats se font attendre. À Mouy, la convention de revitalisation passée avec l’entreprise ZF Sachs dispose d’un peu plus de 96 000 euros. Le site de production a été fermé en juillet 2009. Aujourd’hui, les anciens de ZF Sachs ont terminé leur congé de reclassement. Sur les 208 salariés licenciés, seule une petite vingtaine ont retrouvé un CDI, une quarantaine sont en formation. Et plus de 40 personnes n’ont toujours pas de solution. Loïc Picault, ancien délégué syndical CGT, en fait partie. Il a reçu une formation de conducteur d’engins BTP de plusieurs mois, mais il pointe à Pôle emploi. « J’ai choisi cette reconversion car, à l’époque, on parlait de la construction du canal Seine Nord ou de celle de la prison de Beauvais. Les deux projets viennent d’être repoussés. »

À Senlis, Max de Roquefeuille, directeur de Proméo Formation, un centre de l’UIMM, se félicite de la multiplication des dispositifs mis en œuvre pour accompagner les entreprises en difficulté. « L’État, la branche, la Région, on a tous travaillé ensemble pour sauver l’emploi », assure-t-il. Proméo est en train de former une douzaine d’anciens Conti à devenir bobiniers pour la société SBME de Noyon, près de Compiègne. Les entreprises se sont plutôt bien emparées des dispositifs de formation. Dans l’industrie, les périodes de professionnalisation ont augmenté de 42 %. Le DIF a littéralement explosé : + 155 %. Un contrat de filière a été passé au niveau régional pour les entreprises de mécanique. « L’Oise est un territoire doté de nombreux atouts et se trouve à proximité d’un bassin d’emploi dynamique comme Roissy, souligne Claude Trink, commissaire à la réindustrialisation de la région Picardie. Pourtant, elle ne sait pas en tirer parti. » La faute à un investissement insuffisant dans le développement économique, selon le commissaire, et à la frilosité des banques. « Il n’y a pas de volonté de travailler ensemble, souligne Denis Zuzlewski, représentant régional de la CFDT Métallurgie. On se bagarre pour construire une GPEC territoriale. Le problème, c’est que les entreprises ne veulent pas en entendre parler. »

Dans l’Oise, les bonnes nouvelles sont rares. À Compiègne, un centre d’appels Webhelp doit créer près de 500 emplois en trois ans. À côté de Crépy-en-Valois, Système U va ouvrir une plate-forme logistique. Un cabaret doit aussi s’installer à Nanteuil-le-Haudouin, 65 emplois à la clé. Des emplois qui n’ont, hélas, rien d’industriel.

3,4 millions ont été consacrés aux formations des Conti acceptées dans le cadre du PSE.

2,1 millions venus de l’Agefos PME.

1,2 million fourni par Continental, qui doit verser au total 3 millions.

Source : Continental.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy