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Idées

Il y a urgence à rétablir la valeur du travail

Idées | Bloc-Notes | publié le : 01.11.2010 | Rose-Marie Van Lerberghe

Finalement, la réforme des retraites s’avère plus ardue que prévu. Avant l’été, on avait l’impression que les Français, conscients des problèmes de déséquilibre démographique, s’y étaient résignés et que les syndicats en étaient réduits à orchestrer des manifestations aussi spectaculaires qu’inefficaces. Que s’est-il donc passé ? D’abord, l’affaiblissement de l’autorité de l’État.

GOUVERNEMENT INTÉRIMAIRE

L’affaire Woerth-Bettencourt et l’annonce prématurée du changement de gouvernement ont transformé les ministres enpersonnel intérimaire, davantage préoccupés de leur maintien au gouvernement ou de la manière de mettre en scène leur sortie que de la conduite des affaires.

Les polémiques et les gesticulations à propos des Roms ont contribué à donner l’impression d’un pouvoir empêtré dans des manœuvres peu glorieuses de diversion.

ÂGE DE LA RETRAITE ET ESPÉRANCE DE VIE

Par ailleurs, dans un débat terriblement technique où le gouvernement s’est placé sur un registre exclusivement comptable en affirmant qu’il n’y avait pas d’autres solutions que le report de l’âge légal, l’idée d’injustice s’est progressivement installée. D’abord, l’idée confuse qu’on demandait des efforts toujours aux mêmes, que « les riches pouvaient payer ». À cet égard, le bouclier fiscal que le ministre du Budget lui-même qualifie de « symbole d’injustice » a des effets délétères en période de vaches maigres.

Plus sérieusement, des interrogations sont appa­rues sur la méthode retenue : recul de l’âge légal plutôt qu’allongement de la durée de cotisation. Les spécialistes affirment qu’à court terme seul le recul de l’âge permet de retrouver un semblant d’équilibre si on ne veut pas jouer sur les autres paramètres (taux de cotisation et ­niveau des prestations), mais les opposants ont réussi à faire admet­tre que la réforme pénaliserait ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui ont travaillé dur et dont l’espérance de vie est notoirement plus faible.

LES JEUNES ET LA RETRAITE

Enfin, les jeunes s’invitent au conflit. Cela paraît surréaliste car, dans un régime de répartition, ils ont toutes les chances de supporter la charge de leurs aînés sans bénéficier, le jour venu, des mê­mes avantages. Mais que disent-ils ? D’abord, ils craignent de ne pas trouver d’emploi si les plus âgés partent plus tard à la retraite, ce qui prouve que l’illusion qui a fondé les préretraites en France a la vie dure. Mais cela exprime surtout une réelle angoisse vis-à-vis de l’avenir, de leur capacité à s’insérer dans le monde du travail et d’y trouver un épanouissement. Entendre certains jeunes, voire très jeunes, revendiquer le droit à « profiter » de leur retraite à 60 ans comme si cela devait être l’unique récompense d’une vie de labeur et de galère fait froid dans le dos et interpelle la société et les employeurs sur leur ­faculté à offrir aux jeunes un projet motivant. Il y a urgence à rétablir la valeur du travail et à en parler autrement qu’en termes de harcèlement ou de stress.

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe