Pour quelle raison la société française éprouve-t-elle des difficultés à accueillir et à intégrer les immigrés de deuxième ou de troisième génération La polémique autour du sort réservé aux Roms a encore élargi le champ du questionnement à l’origine du nouveau livre de Philippe d’Iribarne. Selon lui, une tension existe depuis la Révolution française entre l’idéal égalitaire consubstantiel à notre idée de la République et une vision sociale différenciatrice héritée de la période féodale. L’égalitarisme français n’a d’égal que le besoin de chaque citoyen d’être reconnu comme particulier et distinct des autres. Dans les relations de travail, la référence à une forme de rang (on pense au statut de cadre) marque l’ensemble de la législation, qu’il s’agisse d’embauche, de formation, de retraite ou de congés. Même constat pour l’école où la logique des « filières nobles » a résisté à toutes les réformes. Entre la sphère publique et la sphère privée, tous les pays en sont réduits à tenter de fixer une cote mal taillée. Malgré cette tension, la France a su longtemps gérer l’intégration de ses immigrés. Si elle n’y arrive plus, cela s’explique par des aspects économiques, mais plus encore, selon l’auteur, par l’impossibilité croissante de réaliser un compromis entre les deux logiques. Ce qui était plus facile à réaliser dans la période d’épanouissement du taylorisme, celle des OS immigrés, se complique énormément quand les maîtres mots deviennent « délégation », « autonomie » ou « responsabilité ». Les facteurs religieux ajoutent à la complexité du problème. Philippe d’Iribarne dénonce comme utopique la réponse consistant à prôner une France multiculturaliste. Et suggère de chercher, en matière de diversité des cultures, un équivalent à ce qu’a été le compromis social-démocrate.

Les Immigrés de la République, Philippe d’Iribarne. Éditions Seuil, collection « La Couleur des idées ». 134 pages, 17 euros.