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Priorité aux réductions de coûts

Dossier | publié le : 01.11.2010 | Éric Béal

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Quels sont les thèmes de travail prioritaires dans votre entreprise (en %)

Crédit photo Éric Béal

La crise pèse plus lourd cette année sur les DRH, qui ont renforcé en masse les mesures d’économie. Au risque de tomber dans une gestion RH à court terme. Mais l’évolution du rôle des managers de proximité reste une priorité.

La fonction RH n’est pas à la fête. Cette huitième édition du baromètre des ressources humaines Liaisons sociales – CSC, devenu européen en 2009, dégage une impression de retour en arrière pour des DRH renvoyés à une gestion à court terme des ressources humaines. Une gestion privilégiant la maîtrise des coûts opérationnels, le gel des recrutements ou l’accompagnement des restructurations. Certes, cette tendance était déjà perceptible l’an dernier, au plus fort de la récession, mais elle se renforce en 2010. De toute évidence, la sortie de crise est encore loin pour les 100 responsables de ressources humaines interrogés par TNS Sofres, entre juin et juillet, dans sept pays de l’Union européenne (voir fiche technique page 73).

Accompagner l’évolution de l’activité

Nouvelle occurrence proposée cette année, la maîtrise des coûts opérationnels fait un tabac. Plus de huit DRH sur dix (84 %) indiquent que c’est une préoccupation RH prioritaire de leur entreprise. La moitié du panel (53 %) précise même qu’il s’agit d’une préoccupation « absolument prioritaire ». Et près des deux tiers cochent comme deuxième priorité la maîtrise des coûts de la fonction RH (31 % considèrent cette mesure comme « absolument prioritaire »). « Les DRH se mettent la pression car ils savent qu’ils doivent être irréprochables sur la maîtrise des coûts de leur département », analyse Jean-Louis Mutte, directeur général de Sup de co Amiens, ancien DRH et enseignant en management. Plus de la moitié des répondants (52 %) mettent également la conduite du plan de restructuration en avant. La chasse aux coûts superflus est ouverte.

Décisions radicales

Pour Gilles Verrier, directeur d’Identité RH et ancien DRH, cela signifie que les entreprises ont abordé une nouvelle étape dans la gestion de cette crise : « L’an dernier, les responsables RH ont réussi à arracher des marges de manœuvre à leur direction pour éviter de réagir trop brutalement. Ce faisant, ils tiraient les enseignements des crises précédentes au cours desquelles, après avoir largement licencié, les entreprises avaient rencontré des difficultés au moment de la reprise, faute de personnel en nombre suffisant pour répondre à la demande. Mais, cette année, nous sommes dans le dur et les DRH ne peuvent plus retarder les ajustements nécessaires. » Les décisions prises sont parfois radicales. « Certains DRH nous expliquent que les coûts des fonctions supports, les ressources humaines en premier lieu, doivent suivre la baisse du chiffre d’affaires », indique Yves Girouard, directeur du mastère Gestion des RH et de la mobilité internationale (Arts et Métiers ParisTech) et président du Cercle Magellan, un réseau d’échanges et d’information autour des problématiques RH à l’international.

Comme l’an dernier, toutefois, une majorité (63 %) des professionnels interrogés indiquent également qu’accompagner la croissance de l’entreprise constitue une de leurs priorités. Aux yeux d’Yves Girouard, cette contradiction apparente n’en est pas une : « Les grandes entreprises européennes sont souvent déjà bien implantées dans les pays développés. Elles vont chercher à étendre leurs activités, donc des relais de croissance, dans les pays émergés et émergents. » En Asie ou en Amérique latine. Une mauvaise nouvelle pour les salariés européens. D’ailleurs, 30 % des répondants citent l’amélioration du développement international de l’entreprise comme un objectif prioritaire.

Pour réduire les coûts, 63 % des entreprises interrogées ont ralenti ou carrément gelé leur recrutement (14 points de plus que l’an dernier) et un tiers d’entre elles (37 %) ont pris des mesures pour réduire leurs effectifs. DRH Europe du Nord, de l’Est et Afrique chez Otis, Jana Kley illustre ce nouveau mode de partage du travail. « Nous avons dû procéder à des restructurations dans certains pays, ou couper dans les budgets non prioritaires de manière à maintenir la profitabilité de l’entreprise, mais cela ne nous empêche pas d’investir ailleurs ou de réfléchir à l’avenir. » Et de souligner que l’ascensoriste d’origine américaine continue de recruter des commerciaux et des techniciens en Europe de l’Ouest.

Parmi les objectifs prioritaires des politiques RH figurent toujours, pour 88 % des responsables interrogés, l’attraction et la rétention des talents. Pour Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé en management et en GRH à HEC, les entreprises anticipent de futurs besoins en compétences, en cas d’embellie économique. « La guerre des talents semble repartie. En Europe, où les jeunes générations de demain seront moins nombreuses, comme dans les pays émergents où elles seront très courtisées, les entreprises risquent d’avoir du mal à recruter dans les années à venir. C’est déjà le cas en Asie depuis plusieurs années. » Mais gare à cette notion de talent ! prévient Gilles Verrier. En France, elle se résume trop souvent aux jeunes cadres qualifiés de « hauts potentiels ». Ailleurs, elle peut être beaucoup plus large et englober toutes les compétences rares, manuelles ou intellectuelles.

Sur la liste de leurs objectifs prioritaires, les DRH placent l’amélioration de la gestion des compétences en deuxième position. Avec 80 % des réponses (pour 42 %, c’est même un objectif « absolument prioritaire »). Les DRH constituant le panel européen évoquent ensuite l’accompagnement des transformations organisationnelles (79 %), le développement de l’engagement des salariés (74 %), l’amélioration de l’appui aux managers opérationnels (65 %) et l’amélioration du dialogue social (62 %). Des choix qui correspondent peu ou prou aux attentes prioritaires de la direction générale, d’après les DRH eux-mêmes.

Aux yeux des responsables des ressources humaines, en effet, les directions générales attendent d’abord de leur DRH qu’il contribue à l’efficacité du management des personnes et des équipes (78 %), améliore l’alignement des politiques RH sur la stratégie de l’entreprise (77 %) et assure le développement d’un bon climat social (75 %). Un retour un peu moins marqué que l’an dernier aux tâches régaliennes de la fonction RH, mais qui n’en reste pas moins significatif. « La fonction RH paraît ramenée à la portion congrue, estime Gilles Verrier. La direction attend d’elle qu’elle exécute d’abord les basses œuvres. C’est une régression par rapport à son évolution des dix dernières années. » Un sentiment partagé par Charles-Henri Besseyre des Horts, qui estime que les DRH devraient faire preuve d’une plus grande « proactivité ». « Les DRH devraient s’imposer plus fermement dans les discussions stratégiques du comex. Vu le nombre de grandes entreprises qui font des acquisitions à l’étranger ces dernières années, ne voir que 22 % d’entre eux s’en préoccuper me paraît être un mauvais signe. » De son côté, Jean Pautrot, ancien directeur de la mobilité du groupe EDF, aujourd’hui coach et président du conseil de la mobilité internationale du Cercle Magellan, déplore le manque d’ambitions à l’international attribué aux directions générales par les RH. « Le développement des politiques RH à l’international arrive bon dernier (22 %) dans les attentes prioritaires de la direction générale. C’est dommage, car seules les entreprises capables de profiter des opportunités à l’étranger s’en sortent bien ces derniers temps. » Malgré les contraintes économiques, les DRH n’esquivent pas les sujets de fond. Premier thème de travail prioritaire, « l’évolution des rôles des managers de proximité » est citée par plus des deux tiers (68 %) des répondants, en légère progression par rapport à l’an dernier (+ 4 points). « Normal, ils ont une influence sur l’engagement des salariés beaucoup plus forte que celle de la DRH », fait remarquer Jana Kley. Le deuxième thème, l’évolution de l’organisation du travail, perd 11 points par rapport à l’an dernier, mais il est néanmoins évoqué par plus d’un DRH sur deux (57 %). Viennent ensuite la responsabilité sociale de l’entreprise, avec 56 % des réponses, puis la mobilisation de la ligne managériale (54 %) et la prévention des risques psychosociaux (48 %).

Des choix très cohérents avec les attentes des directions générales, selon Muriel de Fabrègue, codirectrice du Ciffop. « La crise n’a pas balayé le fait que la solution pour bien gérer les hommes consiste d’abord à s’appuyer sur des managers de proximité compétents », abonde Gilles Verrier. Chez Vinci, les managers ont toujours été au centre de la GRH. « L’entreprise a une culture d’entrepreneur dans laquelle les managers ont une réelle autonomie de décision. La qualité du management d’équipe entre en ligne de compte pour apprécier leur performance personnelle », indique Patrick Plein, directeur du développement RH groupe.

Une RSE sans imagination

Pour plus d’un DRH sur deux, la responsabilité sociale de l’entreprise est également un thème de travail prioritaire. Promotion de la non-discrimination (79 %), égalité hommes-femmes (75 %), insertion des personnes handicapées (63 %) arrivent en tête des réponses. Les DRH sont, en revanche, beaucoup moins inspirés par l’insertion des publics éloignés de l’emploi (31 %), et seul un professionnel sur deux cite le soutien au développement socio-économique local (53 %). « Ces réponses donnent le sentiment d’une RSE soft et convenue, qui pourrait passer à côté de problèmes cruciaux comme l’insertion des publics éloignés de l’emploi », estime Jean Pautrot. À l’exemple de la place de la religion sur le lieu de travail, que Jean-Louis Mutte, directeur général de Sup de co Amiens et enseignant en management, voit s’imposer dans les années à venir.

37 % des DRH ont procédé à des réductions d’effectifs

FRÉDÉRIC PICHARD Manager consultant chez CSC

“En 2009, les DRH européens avaient clairement pris leurs dispositions pour éviter de surréagir par rapport au ralentissement économique. En 2010, ils ont adopté des mesures plus classiques sous la pression des directeurs financiers.”

Quelles sont les préoccupations RH de votre entreprise en 2010 ?

84 % Maîtriser les coûts opérationnels

64 % Maîtriser les coûts de la fonction RH

63 % Accompagner la croissance de l’entreprise

52 % Conduire le plan de restructuration

30 % Améliorer le développement international de l’entreprise

22 % Réaliser une fusion-acquisition

78 % des DG demandent prioritairement à leur DRH de concourir à l’efficacité du management des personnes et des équipes

GILLES VERRIER Consultant indépendant

“La fonction RH paraît ramenée à la portion congrue. La direction lui demande prioritairement d’exécuter les basses œuvres. C’est une régression par rapport à son évolution ces dix dernières années.”

BAROMÈTRE, MODE D’EMPLOI

Cette huitième édition du baromètre de la fonction RH Liaisons sociales-CSC s’appuie sur un questionnaire administré en juin par TNS Sofres auprès de 100 responsables des ressources humaines dans sept pays européens : la France (une réponse sur cinq), l’Italie (21 %), le Royaume-Uni (15 %), l’Allemagne (15 %), l’Espagne (16 %), le Portugal (6 %) et la Belgique (7 %). Deux tiers (67 %) des répondants appartiennent à une entreprise de services, 19 % à l’industrie, 6 % au transport, 5 % au commerce, 4 % au BTP. Sept DRH interrogés sur dix travaillent dans une entreprise employant de 1 000 à 2 999 salariés, 19 % dans une entreprise de 3 000 à 5 999 salariés, 5 % dans un groupe de 6 000 à 9 999 salariés et 6 % dans un groupe dont les effectifs sont supérieurs à 10 000 salariés.

Quels sont les objectifs prioritaires de votre politique RH ?

88 % Attirer et retenir les talents

80 % Améliorer la gestion des compétences

79 % Accompagner les transformations organisationnelles

74 % Développer l’engagement des salariés

65 % Améliorer l’appui apporté aux managers opérationnels

68 % des DRH indiquent que l’évolution des rôles des managers de proximité est prioritaire dans le travail

JANA KLEY DRH Afrique, Europe du Nord et de l’Est d’Otis

“Les managers de proximité ont une influence sur l’engagement des salariés beaucoup plus forte que la DRH. Il revient à cette dernière de les aider à améliorer leurs compétences relationnelles et managériales.”

Priorité en matière de RSE ?

79 % Promotion de la non-discrimination

75 % Égalité hommes-femmes

63 % Insertion des personnes handicapées

Auteur

  • Éric Béal