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Politique sociale

Fonctionnaires et employés au régime sec

Politique sociale | publié le : 01.10.2010 | Marie-Line Darcy

La jeune femme a le visage grave. Conceiçao est secrétaire au lycée Camoens,l’un des plus anciens et prestigieux de Lisbonne. Avec 700 euros mensuels versés 14 fois par an, ses revenus sont « confortables » comparés aux 500 euros du smic portugais. Pourtant, elle s’inquiète. Tout comme Victor, professeur dans un collège de la banlieue de Lisbonne, dont les 1 000 euros mensuels après quatorze ans de carrière ne suffisent pas à contrebalancer les angoisses de l’affectation renouvelée chaque année en septembre. Ou encore Aida, auxiliaire de santé, qui se dit privilégiée avec ses 900 euros mensuels. Leurs emplois ne sont pas menacés, mais tous ces fonctionnaires tirent la sonnette d’alarme pour leurs jeunes collègues recrutés sans espoir de titularisation. Lesquels se tournent de plus en plus vers le privé sans davantage de garantie de pouvoir y faire carrière.

La rigueur s’est invitée au printemps dernier, le gouvernement socialiste de José Socrates imposant des mesures impopulaires pour éviter à son pays un scénario catastrophe version grecque. Les fonctionnaires sont les premiers affectés. La crise a conduit à geler leur salaire en 2010, et jusqu’en 2013. Un poste sur deux n’est pas remplacé et des menaces pèsent sur leurs treizième et quatorzième mois. À l’appel de la centrale syndicale CGTP, proche du Parti communiste, 250 000 personnes ont défilé dans les rues de Lisbonne le 29 mai. Des fonctionnaires, mais aussi de nombreux travailleurs du privé, des familles inquiètes, des retraités angoissés. Des jeunes, aussi, qui ne trouvent pas de travail. Ils sont 22,7 % au chômage, le double du taux national, lui-même « historique ». L’emploi, quand il existe, échappe de plus en plus à la réglementation du travail. Exit les contrats de travail. Les salariés sont payés à la tâche. Ils reçoivent un « reçu vert », un bon d’honoraires contre une prestation. Les cotisations sociales sont à la charge exclusive du travailleur, et la crise a reporté à « plus tard » une modification de la loi introduisant la part patronale dans ces prestations de services.

Traitement social. En 2008, le gouvernement portugais a opté pour un traitement social de la crise et soutenu les secteurs clés de la production portugaise (textile, automobile). Il a sans doute évité le pire, mais les comptes publics sont passés dans le rouge, avec un déficit de 9,4 % du PIB en 2009, assorti d’une dette de 126 milliards d’euros (76,8 % du PIB). Le gouvernement a dû se résoudre à relever de 1 point la TVA, y compris sur les produits de première nécessité, et à augmenter les impôts directs. À présent, le Portugal découvre l’existence d’une catégorie de « nouveaux pauvres », une classe moyenne endettée, dont les droits sociaux élémentaires sont plus que jamais menacés.

Auteur

  • Marie-Line Darcy