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Politique sociale

Agents de l’État et retraités en première ligne

Politique sociale | publié le : 01.10.2010 | Cécile Thibaud

Luis fait ses comptes. Employé dans une petite menuiserie, il se sent sur la corde raide. Il sait que les clients tardent à payer et que la situation du secteur n’est pas brillante. Avec la mise en œuvre de la réforme du marché du travail, votée le 30 juillet, il sera plus facile à son patron de se séparer de lui. Il lui suffira de faire valoir les difficultés de l’entreprise et des pertes prévisibles pour pouvoir déclencher la procédure de licenciement économique. Avec, à la clé, pour Luis, vingt jours d’indemnités par année travaillée, limités à douze mensualités.

Il y a quelques mois, Luis aurait pu espérer partir avec quarante-cinq jours par année d’ancienneté, car les pesanteurs de la législation du travail étaient telles que les employeurs préféraient payer, dans 80 % des cas, les lourdes indemnités d’un licenciement injustifié plutôt que de s’embarquer dans une procédure coûteuse, lente et incertaine de licenciement économique. Mais, après de très longs mois de tergiversation, le gouvernement a tracé un nouveau cadre juridique, destiné à flexibiliser le marché du travail, dans un pays qui compte plus de 20 % de chômeurs. Pour Luis, pas de doute : les grandes victimes sont les salariés. « C’est à nous que l’on fait payer la facture de la crise financière, dit-il. Nous sommes perdants sur tous les tableaux : On nous fait payer la hausse de la TVA, de 16 à 18 %, on rogne sur nos droits sociaux et on va recalculer nos retraites. On nous fait croire que cette réforme facilitera l’embauche, mais ce qu’elle fait, c’est simplifier le licenciement. »

Volte-face du gouvernement Zapatero. La pilule est amère pour les Espagnols. En quelques mois, le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a fait volte-face, revu sa politique sociale, taillé dans ses budgets et mis en marche une série de réformes qui ont mis les syndicats sur le pied de guerre. « La marge de manœuvre de Zapatero est étroite, constate Rafael Pampillon, professeur d’économie à l’IE Business School de Madrid. Il doit donner des gages aux marchés financiers en mettant en route une politique à laquelle il ne semble pas vraiment croire, mais il n’a pas le choix. Il a tellement resserré les dépenses de l’État et coupé les investissements publics que la reprise va être lente, et les effets sur l’emploi risquent d’être désastreux. »

Après avoir espéré pouvoir éviter d’adopter des mesures draconiennes, Madrid a dû s’incliner devant les exigences de Bruxelles et du Fonds monétaire international, annonçant, en mai dernier, une série de coupes budgétaires afin de réduire le déficit, monté à 11,2 %. Premiers affectés, les fonctionnaires, avec une baisse des salaires de 5 %, et les retraités avec le gel des pensions. Pour les leaders syndicaux à qui José Luis Rodriguez Zapatero avait personnellement promis qu’il ne toucherait pas aux droits sociaux, il s’agit d’une reddition en règle devant les marchés financiers. « Le gouvernement est fort avec les faibles et faible avec les forts », critique Ramon Gorriz, le numéro deux de la confédération syndicale Commissions ouvrières, qui considère la réforme du marché du travail comme « une authentique aberration » qui ne va conduire, selon lui, qu’à une hausse de la précarité de l’emploi.

Auteur

  • Cécile Thibaud