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Idées

Le crépuscule des acquis

Idées | Livres | publié le : 01.09.2010 | Jean Mercier

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Le crépuscule des acquis

Crédit photo Jean Mercier

La rentrée est un moment propice pour reconsidérer les choses de haut. C’est l’exercice auquel se livre Hervé Juvin. L’économiste et essayiste s’est forgé une idée sur la crise financière dont nous payons la facture. « Le prix de la crise n’est en aucun cas la liquidation de l’État, c’est la liquidation de formes et de structures sociales comme la politesse et la culture, qui protégeaient les individus de la mobilité et de la mobilisation, qui instituaient durée, sûreté et tranquillité, et qui permettaient même l’estime de soi sans la fortune, par la vertu et la distinction. » Pour son ultime conquête, la destruction des dernières formes de défense collective, le marché dispose d’un allié précieux : l’endettement public. Le cheval de Troie de la dette s’introduit dans nos existences et en prend le contrôle. Poussant à l’extrême la métaphore, le président d’Eurogroup Institute accuse les banquiers de nous enfermer dans « l’esclavage de la dette à vie » en réduisant la notion d’individu à celle de « consommateur désirant ». La crise n’a fait qu’accélérer une révolution, celle de l’entrée, dès 2012, dans une ère où l’endettement public va s’approcher de 100 % du PIB. Une situation qui exige une réponse politique, ce qui semble passer dans l’esprit de l’auteur par une remise en cause de grande ampleur. Le problème est qu’« une économie d’endettement prépare une société bloquée, conservatrice, tenue par le contrat, immobile, incapable de se transformer ». Ce faisant, nous rendons toujours plus envisageable ce que notre économiste appelle joliment « le renversement du monde » et dont il énumère les symptômes : la croissance des résultats des entreprises n’entraîne plus la progression des salaires, les gains en richesse produite ne se traduisent plus par une amélioration du pouvoir d’achat, « le parapluie de l’État providence » se referme à grande vitesse. Plus généralement, la conséquence est l’explosion des classes moyennes, et demain, pour l’Europe, celle « de la bulle sociale accumulée sans compter ». Les préconisations du livre ne s’inscrivent pas dans le courant de pensée dominant : réinvestissement par le politique des organisations de marché, rupture avec le libre-échangisme, voire « démondialisation », renationalisation de la construction européenne, encouragement des modèles coopératifs et associatifs comme alternative à la société par actions… Elles sont délivrées avec un lyrisme crépusculaire qui dérange et fascine tout à la fois.

Le Renversement du monde, Hervé Juvin. Éditions Gallimard, collection « Le Débat ». 272 pages, 17,90 euros (sortie le 23 septembre).

Auteur

  • Jean Mercier