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Éditorial

Un salariat plus que jamais à deux vitesses

Éditorial | publié le : 01.09.2010 | Jean-Paul Coulange

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Un salariat plus que jamais à deux vitesses

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Éclipsé par le projet de loi sur la réforme des retraites, le rejet, au début de l’été, d’un amendement gouvernemental favorable au dialogue social dans les PME est passé relativement inaperçu. C’est tout juste si les commentateurs politiques y ont décelé une minirébellion des députés UMP contre l’exécutif et le ministre chargé de défendre le texte, Éric Woerth. Et certains leaders syndicaux y ont vu la confirmation d’une collusion entre la majorité et le patronat. Car Medef et CGPME se sont levés comme un seul homme contre l’objet de l’article 6 du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale : la création – facultative – de commissions paritaires régionales de dialogue social, destinées à mieux faire entendre la voix des salariés des entreprises de moins de 11 personnes.

Outre le fait que cette bronca parlementaire fait planer le risque d’inconstitutionnalité sur la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, elle creuse un peu plus le fossé qui sépare les salariés des grandes entreprises de ceux travaillant dans les PMI, le commerce ou l’artisanat… Plus de 95 % des 2,5 millions d’entreprises françaises emploient moins de 11 personnes. Et ne disposent pas, à ce titre, de représentation du personnel. Bien entendu, il faut manier les chiffres avec prudence. La part des salariés qui travaillent dans des entreprises de plus de 1 000 personnes – un tiers – augmente régulièrement… mais tout comme celle qui œuvre dans les PME de moins de 20 salariés. Et, est-il besoin de rappeler que les salariés des PME sont moins gâtés que ceux de Total ou de BNP Paribas ? L’écart de salaires, à poste équivalent, avoisine 10 %. Sans parler des autres avantages, la couverture santé, les congés, l’intéressement, la participation aux bénéfices de l’entreprise, qui n’est pas obligatoire dans les structures de moins de 50 personnes. Du coup, dans cette myriade d’entreprises, seulement un salarié sur six bénéficie d’un dispositif d’épargne.

Négligeant ces disparités, on dirait que le législateur s’ingénie à maintenir, voire à accroître les différences de traitement par la politique des seuils. Ainsi l’obligation de se soucier des seniors ou de se pencher sur les risques psychosociaux cible-t-elle, respectivement, les plus de 300 et les plus de 1 000. Sans doute pour ne pas désespérer les patrons de PME, à l’origine de 80 % des créations d’emplois dans l’Hexagone. L’argument serait totalement recevable si l’ensemble des organisations professionnelles s’était élevé contre les récentes innovations législatives. Ce qui n’est pas le cas. L’UPA, qui représente 1,2 million d’entreprises artisanales, était prête à travailler avec les nouvelles commissions régionales de dialogue social. Dans l’affaire, les grands perdants restent les 4 millions de salariés concernés. Ce n’est certainement pas un hasard si 80 % des dossiers traités par les juges prud’homaux concernent les TPE…

Auteur

  • Jean-Paul Coulange