La place du travail est paradoxale en France. Plus qu’ailleurs, les Français considèrent qu’il est une source d’accomplissement personnel et une manière de se rendre utile à la société. Mais ils sont aussi ceux qui sont les moins satisfaits par leur travail. Face à ce rapport compliqué, les pouvoirs publics et les managers ont tendance à apporter des réponses simplistes, note Yves Clot, professeur titulaire de la chaire de psychologie du travail au Cnam. Il s’inquiète aussi de la faiblesse du questionnement syndical sur les problèmes liés à la qualité du travail. Son livre est une tentative de restituer toute la complexité de l’interaction entre santé et travail à partir de situations concrètes. Premier constat : l’attachement des salariés à la qualité du travail se heurte parfois aux logiques stratégiques de leurs entreprises. Autre facteur déstabilisant des organisations actuelles, l’éclatement du collectif : ce qui s’est « affaissé », note Yves Clot, c’est « le travail d’organisation collectif de l’activité de chacun, à même de “retenir” la mémoire et la “jurisprudence” de l’action commune au-delà de l’initiative individuelle ». Face à ces dysfonctionnements, le management succombe généralement à ce que le professeur dénomme « la tentation hygiéniste ». C’est-à-dire développer des plans d’action dans l’entreprise fondés sur des modèles « toxicologiques » : dépistage des sujets à risque, protocoles de détection et d’accompagnement des personnes en difficulté, cautérisation des conflits… Pour l’auteur, la seule réponse possible au problème de la santé au travail est de redonner de l’initiative aux salariés, sous toutes ses formes. Ce qui l’amène à plaider pour la réhabilitation du métier.

Le Travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux, Yves Clot. Éditions La Découverte. 190 pages, 14,50 euros.