Comment rendre compte d’une grève qui a touché jusqu’à 10 000 ouvriers lorsqu’on est trois sur scène ? William Herremy et Catherine Lecor, de la compagnie Oui Théâtre, relèvent ce défi singulier. Et parviennent, grâce à une adaptation engagée du récit du syndicaliste Jean-Baptiste Platel, fondateur du syndicat des boutonniers de l’Oise, à redonner vie à la révolte de 1909, qui a mobilisé, plus de trois mois durant, les tabletiers et autres encarteuses de la région. La nacre de la coquille du troca, bien moins cher, a détruit les poumons des ouvriers et fait la fortune des patrons d’Andeville, de Valdampierre ou de Méru. Ce qui ne les a pas empêchés, pour gagner en rentabilité, d’amputer les salaires, parfois du tiers. Il suffira d’un accord signé et non tenu par les industriels pour que la grève se propage et connaisse un écho international. Sur scène, les trois comédiens se font passeurs, ressuscitent la solidaritéentreles boutonniers des différentes fabriques, les caisses de grève, les enfants éloignés du conflit et pris en charge par des camarades syndiqués, mais aussi la violence, la charge des gendarmes, l’armée envoyée par le général Joffre et les peines de prison pour faits de grève. Le propos est volontairement militant, l’Internationale fredonnée, la lutte des ouvriers pour la survie de leur famille plus que jamais ravivée. Impossible, dès lors, de ne pas songer à ces autres ouvriers de l’Oise, les Conti, les ZF Sachs, les Bosch ou les Goss, qui se sont battus, un siècle plus tard, pour leur emploi.

99 Jours, les troubles. Mise en scène William Herremy, avec Marie Daguerre, Hervé Mahieux et Stéphane Jourdier. En juillet 2010 au Festival Off d’Avignon.