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Idées

La neurasthénie française

Idées | Livres | publié le : 01.05.2010 | Jean Mercier

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La neurasthénie française

Crédit photo Jean Mercier

On se souvient du fameux « La France a peur » par lequel Roger Gicquel avait ouvert un journal télévisé. S’il vivait encore, le présentateur aurait pu entamer son « 20 Heures » par un non moins tonitruant « La France est malheureuse ». Cette neurasthénie de la société française est devenue un fait économique, si l’on en croit les analyses des auteurs réunis par Philippe Askenazy et Daniel Cohen. Si ce livre d’économie figure dans cette recension, c’est qu’aux deux tiers il se penche sur les problèmes sociaux ou sociétaux. « Les Français sont systématiquement plus pessimistes que les autres peuples quand il s’agit de faire confiance à la justice, aux partis, aux syndicats, bref, à autrui », résument les deux coordinateurs de cet essai collectif qui font de ce sentiment de « défiance » la conséquence directe des échecs de notre modèle social. Pourquoi une telle défiance ? Yann Algan et Pierre Cahuc attribuent ce trait distinctif au rôle joué par l’État, notamment l’État providence, cocktail redoutable de corporatisme et de dirigisme. Pour rétablir la confiance, les auteurs proposent quelques pistes : une redistribution plus égalitaire et universaliste, une concurrence mieux réglementée, des parcours professionnels plus sécurisés, un dialogue social plus actif… Au centre des ces réflexions, bien sûr, l’avenir de l’État providence, sur ses deux fronts majeurs : la santé et les retraites. En pleine actualité, la contribution d’Antoine Bozio et de Thomas Piketty plaide pour une refonte générale du système de retraite français. Ils défendent l’idée de comptes individuels de cotisation qui se substitueraient, au terme d’une période transitoire pouvant durer de dix à vingt ans, aux régimes actuels. L’approche des dépenses de santé va elle aussi à rebrousse-poil de bien des idées reçues. Brigitte Dormont se demande si la croissance des dépenses, souvent présentée comme une menace pour tout le système, ne représente pas au contraire « une augmentation salutaire ». Elle n’esquive pas le sujet du financement, posant ainsi les termes du débat : « On peut maintenir les conditions de couverture actuelles et la poursuite des dépenses implique une augmentation du poids des prélèvements obligatoires ; ou élargir le champ d’intervention des assurances complémentaires facultatives pour financer les dépenses à venir. » Un choix qui n’a jamais été exposé clairement aux Français.

16 Nouvelles Questions d’économie contemporaine, Économiques2, sous la direction de Philippe Askenazy et de Daniel Cohen. Éditions Albin Michel. 608 pages, 25 euros.

Auteur

  • Jean Mercier