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DRH, un généraliste qui doit s’entourer

Dossier | publié le : 01.05.2010 | Domitille Arrivet, Grégory Danel, Sabine Germain

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DRH, un généraliste qui doit s’entourer

Crédit photo Domitille Arrivet, Grégory Danel, Sabine Germain

Inscrire la gestion des ressources humaines dans la stratégie de l’entreprise tout en maîtrisant des contraintes juridiques, financières et technologiques croissantes : c’est le défi des DRH, qui s’appuient sur des experts aux compétences pointues.

Le métier de DRH est associé à de nombreuses représentations : militaire, militant, psychologue, artiste, coach, gestionnaire, juriste… Chacune de ces représentations a plus ou moins marqué une époque. Et en 2020 ? Saura-t-on inventer une nouvelle figure du généraliste des ressources humaines, à la fois technocrate et développeur de potentialités ? » Les premiers mots de l’essai* de Magali Chalumeau donnent le ton : cette jeune titulaire d’un master 2 en psychologie sociale et ingénierie des ressources humaines, aujourd’hui chargée du développement RH de Restoria, une PME angevine de restauration collective (450 salariés), a une vision fédératrice de la fonction. « Le DRH est un généraliste qui s’entoure de spécialistes en systèmes d’information, carrières internationales, comp and ben [voir figure page 66]… », confirme Claire de Montaigu, présidente du cabinet de chasse Leaders Trust. Ce qui est logique si l’on considère que le niveau de technicité et d’expertise requis en droit social, en systèmes d’information, en communication ou en conduite de projets ne cesse de s’élever.

« Chargé d’écrire la stratégie de l’entreprise en matière de ressources humaines et de la traduire en une politique de rémunération et de rétention motivante, le DRH doit effectivement rester un généraliste, qui peut venir d’autres horizons que les ressources humaines », détaille Jean-Philippe Saint-Geours, associé chez Leaders Trust. Philippe Canonne, DRH de Sephora (groupe LVMH, 3 500 salariés en France), a ainsi débuté en tant qu’avocat, en droit social bien entendu, avant de passer du côté de ses clients, dans des secteurs aussi divers que l’informatique, la métallurgie et, aujourd’hui, la parfumerie. Éric Jarry, le DRH de Litwin (ingénierie dans le secteur de l’énergie, 300 salariés en France), a un parcours encore plus atypique : diplômé d’une école de commerce, il a débuté dans le contrôle de gestion avant de bifurquer vers les ressources humaines opérationnelles, à la direction d’un site de production du groupe Yara, le premier fournisseur mondial de fertilisants (8 000 salariés dans le monde). Une expérience qui lui semble aujourd’hui primordiale dans son activité : « J’ai toujours la notion de coûts en tête, souligne-t-il. Ce qui me permet de trouver les bons arguments pour convaincre la direction générale ou la direction financière. » Face à ce qu’il considère comme des fonctions de pouvoir, Éric Jarry estime en effet que DRH est plutôt « un métier d’influence ». « Nous devons faire passer des messages à la direction et aux actionnaires. Tout en restant réalistes : un DRH n’aura jamais le pouvoir car il ne tient pas les cordons de la bourse », précise-t-il.

La remarque fait sourire Claire de Montaigu : « Les DRH ont bien plus de pouvoir qu’ils aiment à le laisser penser. À commencer par un pouvoir d’inertie, quand ils n’ont pas envie de déployer un projet, par exemple. » En quête permanente de légitimité, ils ont fait de leur accès aux instances dirigeantes des entreprises (comité de direction, comité exécutif) une revendication essentielle. Avec un succès mitigé : « Ils ne siègent réellement à ces comités que dans moins de la moitié des grandes entreprises », observe Jean-Philippe Saint-Geours, qui ajoute que des pans importants de leur métier leur ont échappé : « La responsabilité sociale des entreprises, par exemple, ne relève de la DRH que dans 2 % des sociétés. » Activité à forte visibilité médiatique, elle est le plus souvent directement rattachée à la direction générale : les ressources humaines sont, certes, mobilisées… mais seulement pour fournir des chiffres.

Etre cantonné à la production de données chiffrées et de reportings, c’est la grande hantise des DRH. « Une direction des ressources humaines assoit sa crédibilité sur ses compétences techniques, admet Alain Mauriès, DRH du groupe industriel Pochet (flaconnage et parfumerie, 3 000 salariés en France). C’est nécessaire mais non suffisant. Il ne faut jamais oublier que le cœur de notre métier, c’est l’humain : être près des hommes, avoir une connaissance intime de leurs professions, mais aussi prendre de la hauteur pour les aider à se projeter dans l’avenir et à trouver le bon équilibre entre l’économique et le social. Parce que si l’on n’amène pas nos dirigeants sur le terrain social, qui le fera ? »

Philippe Canonne approuve : « Il ne faut pas se raconter d’histoires : nous avons tous un quotidien prenant et pas toujours folichon, observe le DRH de Sephora. Mais nous sommes les seuls, parmi les cadres dirigeants, à pouvoir donner du sens, à expliquer où nous allons, pourquoi et comment nous y allons. » Pour lever le nez du guidon, les DRH doivent animer une équipe d’experts et un réseau d’interlocuteurs dans l’ensemble de l’entreprise. Leur mission : mettre en œuvre la stratégie RH, bien entendu, mais aussi identifier des foyers potentiels pour éviter d’être amenés, un jour, à éteindre des incendies. « La diversité, le harcèlement, la parité, la différence de traitement entre cadres et non-cadres sont de véritables bombes juridiques », cite Éric Jarry en guise d’exemples. Aux experts RH de les désamorcer…

S. G.

* Généralistes RH en herbe, quelles pistes de développement durable pour 2020 ? Essai récompensé par le trophée ANDRH Juni’Or en 2009, finaliste du concours de l’European Association for People Management (EAPM).

Laurent Geoffroy, DRH de Coca-Cola Entreprise depuis douze ans
“ Ne pas se laisser dominer par des organisations globales ”

Quelles sont les principales missions d’un DRH ?

On ne doit pas choisir ce métier pour faire carrière mais pour défendre des valeurs. Nous avons une vraie responsabilité vis-à-vis de l’employabilité des salariés. Ce qui n’exclut pas de travailler sur la performance. Mais cette mission doit s’inscrire dans le long terme : voir une entreprise faire un plan social en janvier puis recruter en juin, par exemple, ne me semble pas acceptable.

C’est possible dans une world company telle que Coca-Cola ?

Les États-Unis et la France n’ont clairement pas la même culture sociale. Mais c’est à nous, aux RH, de ne pas nous laisser dominer par des organisations globales : nous devons avoir des idées et nous battre pour les imposer. Moyennant quoi nous avons su développer une culture sociale intégrant les spécificités françaises. Le siège d’Atlanta nous laisse cette marge de manœuvre dès lors que nous respectons ses exigences en termes de reporting et de croissance.

Comment ne pas se noyer dans ces reportings et obligations comptables de plus en plus envahissants ?

Faire du reporting, c’est essentiel, car cela crédibilise la fonction RH. Mais il ne faut jamais oublier que le cœur de notre métier reste l’humain. Quand des collaborateurs ou des partenaires sociaux me posent une question purement juridique en apparence, je sais qu’ils attendent une réponse à la fois plus profonde et plus humaine. Les organisations changent très vite : je comprends que les salariés et les managers soient déboussolés. Si nous ne savons pas répondre à leurs questions, nous ne sommes plus crédibles.

S. G.

Auteur

  • Domitille Arrivet, Grégory Danel, Sabine Germain

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