La réforme des retraites se prépare. Sera-t-il possible de réaliser dès cette année une vraie réforme, allant au-delà d’ajustements et de déplacements de curseurs ? Même si les Français ont bien pris conscience que des révisions douloureuses s’imposent, on ne connaît guère, hors des cercles de spécialistes, l’ensemble des questions qui se posent et la variété des réponses possibles. On répète à l’envi qu’il y a trois leviers : la durée de cotisation, le niveau des pensions et le taux des cotisations. En simplifiant, en ne posant pas d’hypothèses, en agissant comme s’il n’y avait pas d’autres leviers, on bloque le débat. On parle du régime de base, pas des retraites complémentaires. Retraite n’est pas retrait du marché du travail : on oublie les dispositifs qui conduisent à un arrêt d’activité anticipant l’âge officiel. On parle du couperet des 60 ans alors que ce n’en est pas un, mais qui est une vache sacrée. Seul le Conseil d’orientation des retraites analyse les exemples étrangers originaux : trop techniques pour intéresser les citoyens. On ne parle pas de la prise en compte des périodes non travaillées (chômage, maternité ou autres). D’autres variables encore sont occultées. Simplifié à outrance, le débat sera trop simple, idéologique, politique à l’excès et donc condamné.

Les conflits sociaux n’éclatent pas quand l’économie va mal. Les salariés français ont été plutôt calmes au plus profond de la récession, malgré certains conflits spectaculaires et médiatisés. Le début encore discret de reprise devrait changer le climat social. Les revendications de hausse de salaire se multiplient. Et, puisque les économistes et les pouvoirs publics annoncent le printemps, les victimes des réductions d’effectifs à venir seront probablement moins résignées. Mais, d’une multitude de conflits localisés à une vraie déflagration, il y a un grand pas. Au cours des dernières décennies, les grands mouvements ont tous été lancés et conduits par des services publics – les transports pour l’essentiel. On voit mal pourquoi et comment ceux-ci pourraient jouer le même rôle en 2010. Le seul thème qui pourrait faire dégénérer des conflits localisés en manifestations nationales est celui des retraites.

Le thème du « contrat social » revient avec force dans les débats. De plus en plus de think tanks s’interrogent sur ce que seront les relations du travail, les rapports salariaux, les modes de management des hommes, le rôle des corps intermédiaires, la pertinence ou non des gestions du personnel fondées sur l’individualisation et la flexibilité. Après la crise, rien ne sera plus comme avant, croit-on. Par exemple, les réflexions sur la souffrance au travail découlant des suicides à France Télécom ont fait ouvrir de nombreux dossiers, et le retour à un développement du chômage de masse oblige à repenser les politiques de l’emploi. Derrière les problèmes du jour, les besoins d’une veille prospective et d’une remise en cause du contrat social actuel occupent bien des cénacles. Reste à savoir si les responsables politiques ou les grands patrons sauront être à l’écoute.