Qu’elle sera périlleuse, la réforme des retraites ! Si l’on en doutait encore, la deuxième vague de l’Observatoire social de l’entreprise Cesi-Liaisons sociales-BFM réalisée par Ipsos en mars le confirme. Passe encore que les salariés interrogés soient majoritairement opposés à un allongement de la durée d’activité, même si la moitié d’entre eux reconnaissent qu’il faudra reculer l’âge légal de départ à la retraite pour assurer l’avenir des régimes par répartition. Mais, plus inquiétant, chefs d’entreprise et salariés doutent de la possibilité de faire travailler, dans de bonnes conditions, les seniors au-delà de 60 ans. Et plus des deux tiers des employeurs avouent qu’ils n’ont pas mis en place de dispositif en faveur de l’emploi des salariés âgés dans leur entreprise et qu’ils n’envisagent pas de le faire. Le faible taux d’emploi des seniors en France n’est pas près de rejoindre la moyenne européenne !
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Chefs d’entreprise et salariés ne voient plus la crise du même œil. 18 % seulement des premiers pensent que leur entreprise sera en croissance dans les six prochains mois, contre 31 % des salariés. Un tiers des patrons du commerce et plus d’un quart de l’industrie pronostiquent même une baisse d’activité au cours du prochain semestre. Tout naturellement, les uns et les autres divergent sur la fin de la crise. Les salariés situent la reprise avant la fin 2010, les chefs d’entreprise pas avant le printemps 2011, voire, dans l’industrie, dans dix-neuf mois… Cette différence d’appréciation va inévitablement peser sur le ? climat social dans les entreprises, avec des chefs d’entreprise sur leurs gardes et des salariés plus optimistes. Et plus gourmands !
Les salariés ne se font guère d’illusions sur l’évolution de leur rémunération en 2010. Le niveau de leur salaire est devenu, à égalité avec le maintien de leur emploi, leur principal sujet de préoccupation, alors que l’emploi devançait le salaire de trois points durant l’été 2009. Sauf chez les ouvriers, où le maintien de l’emploi est cité en premier (35 %) avant le salaire (31 %).
La réduction du niveau des pensions fait l’unanimité contre elle ; l’augmentation des cotisations salariales et patronales est jugée nécessaire par les salariés même s’ils ne la souhaitent pas, tandis que les chefs d’entreprise et les cadres sont réalistes quant à la nécessité d’un allongement de la durée d’activité. Mais aucune mesure d’équilibre ne trouve grâce aux yeux des personnes interrogées !
Le débat sur l’âge de la retraite transcende les clivages traditionnels. Dans l’industrie, 51 % des chefs d’entreprise seulement souhaitent qu’il soit fixé à plus de 60 ans, alors qu’ils sont 68 % dans le secteur du commerce. Tous secteurs confondus 72 % des cadres sont favorables à repousser l’âge légal. En revanche, 65 % des ouvriers et, dans une moindre mesure, 53 % des employés refusent que l’on touche aux 60 ans. Enfin, un tiers des chefs d’entreprise et un quart des salariés considèrent que l’âge de la retraite devra être fixé à 65 ans si l’on veut sauver les régimes par répartition.
À plus de 60 ans
Surprise, une large majorité de salariés (77 %) mais aussi de chefs d’entreprise (61 %) estiment que, au-delà de 60 ans, on ne peut pas travailler dans de bonnes conditions. Près des trois quarts des employeurs de la construction et des deux tiers des chefs d’entreprise du commerce estiment, par ailleurs, qu’il leur sera difficile de maintenir les salariés à leur poste après 60 ans. Rien d’étonnant à ce que la grande majorité (80 %) des ouvriers jugent difficile le maintien dans l’emploi des plus de 60 ans contre 47 % des cadres. Plus inquiétant pour l’emploi des salariés âgés, 69 % des chefs d’entreprise déclarent n’avoir pas mis en œuvre un dispositif ad hoc et n’envisagent pas de le faire dans les prochains mois. Logiquement, un tiers des salariés pensent donc que le taux d’emploi des seniors dans leur entreprise va diminuer dans les cinq prochaines années, 28 % qu’il va rester stable et 36 % seulement qu’il va augmenter.
Chefs d’entreprise et salariés ont parfaitement intégré la nécessité de prendre en compte la pénibilité dans le calcul de l’âge de la retraite. De même que l’âge d’entrée dans la vie active, critère qui avait donné lieu à un dispositif spécifique de retraite pour carrière longue dans la précédente réforme des retraites votée en 2003. Autre consensus, la prise en compte de l’espérance de vie entre les différentes catégories socioprofessionnelles, qui varie de cinq ans entre ouvriers et cadres. Le stress est, lui aussi, reconnu comme un critère de mesure pour 79 % des salariés et 63 % des chefs d’entreprise.
Sondage réalisé par Ipsos du 4 au 16 mars auprès de 1 000 salariés du secteur privé (par Internet) et de 400 chefs d’entreprise (par téléphone).