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Politique sociale

Règlements de comptes à la CFTC du Val-d’Oise

Politique sociale | publié le : 01.03.2010 | Stéphane Béchaux

Les dérives financières et les pratiques opaques de la CFTC du Val-d’Oise inquiètent la confédération. Qui l’a mise sous tutelle.

Les temps sont durs pour la CFTC. Lancée dans une délicate opération de survie, la confédération de Jacques Voisin n’avait pas besoin de bisbilles internes. Trop tard. Depuis quelques semaines, ses maigres troupes du Val-d’Oise se déchirent. Et le grand déballage laisse apparaître de curieuses pratiques au sein de la structure départementale. Des faits suffisamment graves pour justifier sa mise sous tutelle, décidée lors du bureau confédéral du 11 janvier. Une mesure « conservatoire », d’« application immédiate », prise « afin d’éviter qu’un préjudice grave ne soit porté au mouvement », dixit Bernard Sagez, secrétaire confédéral chargé de l’organisation. Des termes utilisés dans la lettre qu’il a adressée, le 21 janvier, aux président et secrétaire général de l’UD en cause.

Deux hommes en guerre ouverte depuis le 5 janvier, date du dernier conseil d’administration du syndicat. Ce jour-là, le secrétaire général, Bernard Ruellot, appuyé par le président de l’union locale d’Argenteuil, Christophe Gros, somme le président de l’organisation, Jean-Jacques Flahaut, de s’expliquer sur des mouvements de fonds suspects. Des responsables de l’UD ont en effet découvert que, fin octobre, la société CTP, gérée par M. Flahaut, avait tiré quatre chèques d’une valeur totale de 16 039,47 euros sur les deux comptes de la CFTC. Des flux signalés au mandataire judiciaire, ladite société ayant, depuis, été placée en liquidation. Pour étayer ses propos, l’accusateur sort de son chapeau une lettre que le liquidateur lui a adressée le 21 décembre. « M. Flahaut m’a expliqué que les flux financiers entre votre syndicat et la société CTP pouvaient s’analyser comme des prêts octroyés par le premier à la seconde. Au jour de l’ouverture de la procédure collective, M. Flahaut m’a indiqué que le solde des opérations était nul », mentionne la missive. Des paroles sans preuve. Mi-février, le mandataire attendait toujours les pièces confirmant les dires.

Confusion des genres. Pour Jean-Jacques Flahaut, par ailleurs… trésorier de l’union régionale CFTC d’Ile-de-France, les ennuis ne s’arrêtent pas là. Car ses opposants disent avoir découvert d’autres flux financiers. Le 9 septembre, la CTP aurait ainsi déjà pompé 20 302 euros, via six chèques, sur les deux comptes du syndicat départemental. Et ce n’est pas tout. Le président doit aussi affronter les foudres de ses anciens collaborateurs, employés par CTP et Telstar Multimedia. Deux sociétés dont il avait la gérance, jusqu’à leur mise en liquidation judiciaire, le 25 novembre. Après avoir interrogé l’Urssaf, ces salariés ont découvert que leur patron faisait preuve d’une très grande légèreté dans ses déclarations annuelles de données sociales. Une dizaine ont saisi les conseils de prud’hommes d’Argenteuil et de Saint-Germain-en-Laye pour faire régulariser leur situation. Gênant pour leur ex-employeur, lui-même… juge prud’homal salarié, section commerce, à Montmorency !

“Si on découvre des agissements pénalement repréhensibles, on saisira le procureur” promet-on à la CFTC

Peu disert, le syndicaliste-patron refuse de commenter les informations relevant de sa « vie privée ». « C’est moi qui ai demandé la protection de la confédération. Mes opposants ont voulu faire un putsch pour prendre l’UD de force », assure-t-il. Jean-Jacques Flahaut réserve ses arguments à Serge Brettar, le tuteur confédéral, à pied d’œuvre depuis début février. « On va ausculter les comptes, vérifier le respect des règles confédérales et analyser les dysfonctionnements. Si on découvre des agissements pénalement répréhensibles, on saisira le procureur de la République », promet-on au sommet de la centrale. Sans exclure que Jean-Jacques Flahaut soit lui-même l’objet d’un coup monté. Le travail s’annonce long. Car le syndicat n’en est pas à ses premiers soubresauts. Le précédent président, François Morelle, administrateur de plusieurs caisses d’organismes sociaux, avait dû abandonner ses mandats fin 2007. Salarié à temps partiel de l’UD, il lui était reproché d’avoir empoché les sommes versées par lesdites caisses, charges sociales et patronales incluses, au titre des « pertes de salaire ». À la même époque, les conditions de départ de la trésorière, Carole Pfeiffer, sentent aussi le soufre. Plutôt que de risquer un grand déballage, l’UD avait choisi de transiger. « À la demande de Jean-Jacques Flahaut, j’ai signé la transaction, mais elle n’a jamais été validée par le conseil », affirme Christophe Gros, qui était alors secrétaire général.

Ancien bras droit du décrié président, cet ex-militaire se positionne désormais en Monsieur Propre de la CFTC du Val-d’Oise. Mais les activités du président-salarié de l’union locale d’Argenteuil sont aussi dans le viseur de la confédération. Exclusivement spécialisée dans le conseil juridique, l’UL ne se distingue en rien d’une société d’avocats, sinon par son statut associatif. Autonome financièrement, elle facture ses prestations à hauteur de 450 euros forfaitaires, au titre des frais de dossier, auxquels s’ajoutent 12 % des sommes gagnées devant les tribunaux. Sans syndiquer aucun de ses « clients ».

L’UD est parfaitement au courant de notre activité. Nos comptes sonttransparents,onleslui envoietouslesans »,assure Christophe Gros, qui annonce 255 000 euros de recettes pour 2009. De quoi tout juste rémunérer ses cinq salariés. Autre curiosité, les liens poreux de l’UL avec des structures patronales. Lors des prud’homales de 2008, la secrétaire générale de l’union locale – alors dirigeante d’une société d’« assistance aux entreprises » employant à temps partiel le président de l’UL – s’est retrouvée sur la liste des candidats du Cidunati, un syndicat de petits patrons locaux. Tout comme une salariée de l’union locale.

À la confédération, on suit l’avancée des investigations avec d’autant plus d’attention que l’UD du Val-d’Oise s’est distinguée, depuis trois ans, par son combat judiciaire contre le travail du dimanche. Un thème cher à la centrale chrétienne, qui pourrait s’avérer lucratif du côté de Cergy. Il y a tout juste un an, Leroy Merlin a ainsi versé au syndicat valdoisien, qui l’avait attaqué en justice, 890 000 euros au titre des astreintes dues pour l’ouverture dominicale de trois de ses magasins en 2008. Des sous pour l’instant au chaud sur le compte séquestre de l’avocat de la CFTC 95, James Chouraqui. Mais qui pourraient, un jour, être à sa libre disposition, une fois épuisées les voies de recours judiciaire. De quoi faire tourner les têtes.

Auteur

  • Stéphane Béchaux