Un matin, la DRH est venue me voir pour que je passe à la visite médicale le jour même. Je me suis présentée à la caravane garée devant nos bureaux. L’infirmière m’a demandé de me mettre en sous-vêtements et de garder mes chaussures pour ne pas attraper froid. Or, ce jour-là, ma tenue n’était pas vraiment adaptée aux circonstances : soutien-gorge à balconnets, string rose fuchsia et chaussures dorées à talons aiguilles, une vraie dégaine de meneuse de revue ! Morte de honte, je suis sortie de la cabine en rasant les murs. Le médecin avait une trentaine d’années. Quand il m’a vue entrer, il n’en revenait pas. J’ai vu sa mâchoire se décrocher et il est devenu écarlate. La visite a été sommaire, car je crois que nous étions tous les deux d’accord pour que ça se termine vite. » Laurence, qui en rigole encore vingt-cinq ans après.

“La médecine du travail est confrontée à une nette augmentation des cas de souffrance psychique au travail. Les gens parlent plus et plus facilement. Je vois des personnes craquer et fondre en larmes, il n’est pas rare que cela arrive au moins une fois par demi-journée de consultation. Leur souffrance étant multifactorielle, ils ne peuvent l’exprimer ni auprès de leurs collègues ni auprès de leurs proches. Le médecin du travail ou le généraliste est souvent la seule personne qui reste pour les écouter.

Brice Loddé, médecin du travail, praticien hospitalier universitaire au CHU de Brest.

Le film : Il a des grosses lunettes moches sur le nez et l’air un peu bêta. Il parcourt un interminable couloir, en slip moulant bleu ciel, la sacoche en bandoulière sur son torse poilu, son gobelet d’urine à la main. Quand il croise un collègue, il le salue sans ciller, l’air de rien. Lui, c’est Jean-Christian Ranu, un comptable étriqué, salarié d’une grande entreprise de la Défense, savoureusement interprété par Daniel Auteuil. Il se rend à la visite médicale. Et c’est un moment d’anthologie, filmé par l’œil malicieux des réalisateurs Nicolas Charlet et Bruno Lavaine. À voir cette scène, on se dit qu’ils sont, comme nous tous, forcément passés au cours de leur vie professionnelle par ce grand moment de solitude du salarié.

L. D.

Ce que dit la loi : « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé. »

Art. L. 4622-3 du Code du travail.

Pluridisciplinarité : c’est la dynamique à l’œuvre dans les services de santé au travail (SST) depuis 2004.

Des ergonomes, des toxicologues, des psychologues, etc., participent désormais à leur mission aux côtés des médecins et infirmiers. La réforme programmée en 2010 concerne surtout l’organisation, la gouvernance et le financement des SST.