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Enquête

Maxi promesses mini effets

Enquête | publié le : 01.03.2010 | Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon

Champion des réformes, Nicolas Sarkozy ? Oui et non. À presque mi-mandat, le bilan social est loin des ambitions. Focus sur 17 engagements.

Pas de coup de frein sur les réformes ! Au commencement d’une année marquée par le scrutin régional, le message du chef de l’État, fortement relayé par François Fillon et Claude Guéant, son Premier ministre bis, a été clair. Hors de question de céder à l’électoralisme, les réformes sont plus que jamais nécessaires pour retrouver la croissance. Mais entre le discours sans cesse martelé et les actes, que cache la réformite qui anime Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au pouvoir ?

Dressant, fin janvier, le bilan des mille jours du chef de l’État, l’Institut Thomas More a estimé qu’une petite moitié des 1 147 mesures promises durant la campagne présidentielle de 2007 ou annoncées ensuite, notamment lors des quelque 300 déplacements présidentiels dans l’Hexagone, a été mise en œuvre. Plus de la moitié reste donc à mettre en musique. Et moins de 4 % de ces mesures ont été abandonnées. C’est dans le domaine du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat que le président de la République a le plus respecté ses engagements (avec deux tiers de promesses tenues), précise l’Institut. Notamment avec la loi Tepa, votée sitôt le gouvernement Fillon installé, ainsi qu’avec le texte de décembre 2008 sur les revenus du travail. De l’instauration du contrat unique au détricotage des 35 heures, Liaisons sociales magazine a audité, non pas les 12 travaux d’Hercule, mais les 17 engagements majeurs de Nicolas Sarkozy dans le domaine social. Le président de la République s’est attaqué sans reculer à plusieurs tabous – les régimes spéciaux de retraite, le service minimum, la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient les cinq grandes confédérations syndicales françaises depuis 1966 –, partant à l’assaut de citadelles réputées inexpugnables, tels les syndicats de cheminots, les enseignants des universités ou les mandarins des hôpitaux publics.

Mais, à l’heure des comptes, l’ampleur des réformes engagées et des textes votés n’est pas à la hauteur des ambitions affichées. Le service minimum montre ses limites, le travail dominical n’obéit pas aux mêmes règles sur tout le territoire, la fin des régimes spéciaux coûte cher aux entreprises publiques concernées et aux contribuables… Dans les domaines de la santé, de la formation, de la politique industrielle, on cherche la réforme de structure. Une seule mérite ce label : la révision générale des politiques publiques, véritable aggiornamento de la fonction publique, que les Français n’appréhendent guère qu’à travers la fameuse règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Certes, dans son élan réformateur, le chef de l’État n’a pas été aidé par la conjoncture. Exonérer les heures supplémentaires pour permettre aux employeurs de faire travailler davantage que les sacro-saintes 35 heures hebdomadaires et redonner du pouvoir d’achat aux salariés ne fonctionne que si la croissance est au rendez-vous. Mais la volonté de rupture totale ne l’habite plus guère. En témoigne le prochain test grandeur nature des retraites. Davantage qu’une réforme de fond qui consisterait à refonder l’architecture du système, son objectif est surtout de permettre aux bons vieux régimes par répartition de supporter le choc démographique sans révolter l’opinion. Car, il a beau dire, après-demain se profile l’élection présidentielle de 2012.

Dominique Reynié Directeur général de Fondapol

Le bilan de la politique sociale de Nicolas Sarkozy aura-t-il une influence sur le scrutin régional ?

Partout en Europe, les gouvernants déçoivent. Les décisions à prendre sont douloureuses. Nous entrons dans une ère de l’impopularité dont nous ne verrons pas la fin avant longtemps et qui pourrait même devenir plus violente. Le vote sanction peut donc jouer. Mais l’opposition reste très anxiogène pour les Français, qui la voient hésiter sur des dossiers comme les retraites ou la dette. Elle est virulente sur des polémiques mais absente sur le fond. Si l’abstention est forte, cela voudra dire que l’opposition n’a pas convaincu.

La crise joue-t-elle un rôle ?

Elle a amené Nicolas Sarkozy à se reposition­ner. Il est devenu étatiste, interventionniste, hyperrégulateur. Mais l’opinion a intégré que, pendant une crise, un dirigeant ne maîtrise plus grand-chose. Dans les sondages, la grande majorité estime que l’opposition ne pourrait mieux faire. Cela peut limiter l’intensité du rejet. Par ailleurs, la crise a complètement confisqué l’agenda du chef de l’État. Elle lui impose ses priorités. Il n’est plus sur le plan des nouvelles idées. Sur les retraites, passer de 60 ans à 62 ans, ce n’est pas une idée, c’est une adaptation.

Nicolas Sarkozy est-il un réformateur ?

D’un point de vue plus politique que technique, les réformes d’avant-crise étaient porteuses d’une révolution culturelle plus puissante qu’il n’y paraît. On peut s’interroger sur leurs effets et les économies qu’elles sont censées générer mais elles ont fait sauter des verrous. Prenez la loi LRU, les auto­entrepreneurs, les régimes spéciaux et même le bouclier fiscal, on ne reviendra pas en arrière. En matière de grève, par exemple, on a commencé à raisonner en termes d’efficacité du service minimum. C’est l’effet crémaillère. Nicolas Sarkozy n’aborde pas les dossiers comme un stock qu’on lui donnerait mais comme un processus qu’il doit enclencher et sur lequel on ne peut plus reculer. Cette démarche très différente avait déjà été initiée avec François Fillon sur les retraites en 2003, avec un calendrier sur le long terme. C’est un nouveau modèle qui se dégage.

Propos recueillis par J.-P.C et S.F.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange, Sandrine Foulon