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L'exigence de validation des acquis

Dossier | publié le : 01.04.2000 | S. P.

Les entreprises se félicitent des nouveaux outils d'évaluation qu'autorise la gestion des compétences. Les salariés un peu moins, car la reconnaissance des acquis n'est pas toujours au rendez-vous.

Finis les jugements à la tête du client : les salariés pourront enfin être évalués selon leurs compétences. Sur le papier, la démarche est des plus séduisantes et emporte généralement l'adhésion. Mais la pratique est moins idyllique. « Nos supérieurs hiérarchiques devraient évaluer notre relationnel avec les clients, estime ainsi Rita Moreau, commerciale dans une agence Air France. Or ils se contentent de nous juger sur nos attitudes au sein du service. » Certains salariés ont le sentiment d'être les victimes d'un marché de dupes. Malgré l'utilisation de nouveaux outils, l'évaluation peut rester très subjective. « Il est évident que lorsqu'on évalue la façon dont un individu travaille, on juge aussi sa personnalité », affirme Virginie Sarazin, responsable du service clients à la Lyonnaise des eaux. Sensibles au reproche, certaines entreprises permettent aux salariés mécontents de leur évaluation de « faire appel ».

Même s'il n'est pas contesté, le processus d'évaluation laisse parfois les salariés sur leur faim, faute de reconnaissance. Pour Élisabeth Du Cottet, P-DG de Thuasne, une PME de 520 salariés spécialisée dans la fabrication de bandages, l'évaluation se suffit à elle-même : « Évaluer les compétences d'un salarié, c'est l'aider à avoir une bonne vision de lui-même, à prendre conscience de sa valeur. C'est le meilleur service qu'on puisse lui rendre. » In Extenso, un cabinet d'expertise comptable de 900 personnes, a choisi d'aller plus loin : « Lors de l'entretien annuel d'évaluation, les managers vérifient si leurs collaborateurs possèdent une ou plusieurs des compétences définies. Si tel est le cas, ils sont répertoriés dans l'annuaire du groupe, précise Martin Mathieu, responsable du développement. C'est un atout lors d'une discussion avec un hiérarchique pour une promotion. »

L'évaluation donne aux salariés une meilleure visibilité au sein de l'entreprise. Mais la progression salariale ou fonctionnelle n'est pas pour autant systématique. IBM fait partie des entreprises qui offrent une « carotte ». Depuis 1993, le groupe informatique délivre des certificats maison, valables pour une durée de trois ans, réservés aux « experts » ayant plus de dix ans de métier qui postulent sur proposition de leur manager. « Nous constituons ainsi un corps d'élite au sein de l'entreprise. Seuls 5 à 10 % des experts ont passé le cap de la certification », indique Guillaume Lamouche, responsable des métiers. Délégué CFTC de Disneyland Paris, Alain Lauden n'approuve pas ce mode de promotion : « L'évaluation rend le salarié otage de l'entreprise. S'il souhaite partir, son nouvel employeur ne reconnaîtra pas forcément ses compétences. »

Les dispositifs d'évaluation externes peuvent remédier à ce problème. Trois systèmes permettent aujourd'hui d'obtenir une attestation officielle prouvant que le salarié détient un certain nombre de compétences. Le plus ancien est la validation des acquis professionnels (VAP), créée en 1992 par le ministère de l'Éducation nationale. La VAP reconnaît les aptitudes acquises au travail et les valide. Le salarié n'a plus besoin de suivre un cursus complet pour décrocher un diplôme. Reste que ce système d'équivalences, qui implique une formation, peut décourager certains salariés. Le ministère de l'Emploi en a tenu compte dans un dispositif concocté avec l'ANPE et l'Afpa. « Les compétences des candidats sont observées en situation de travail par un jury professionnel ou par des mandataires, explique Françoise Amat, chef de mission à la cellule orientation et validation de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle). Ils obtiennent un certificat de compétences professionnelles (CCP). L'accumulation de plusieurs CCP débouche sur l'obtention d'un titre homologué par nos services. »

Pas d'unanimité sur les titres homologués

Seul bémol, le titre délivré ne fait pas toujours l'unanimité. Exemple à Disneyland Paris, qui le teste sur une quarantaine d'hôtes d'accueil. « Nous leur avons construit un parcours qualifiant d'environ 400 heures de formation sur dix-huit mois afin qu'ils puissent obtenir cinq certificats de compétences (en restauration légère, vente, accueil, animation spectacle et propreté-hygiène) et acquérir ainsi le titre d'hôte d'accueil touristique. Prochainement homologué par le ministère de l'Emploi, il sera valable dans l'ensemble des parcs de loisirs européens », explique Jean-Marie Lasblée, responsable des partenariats au service formation. Sauf que Disneyland Paris n'a pas consulté les autres professionnels du secteur pour construire son parcours professionnel. « Il sera donc difficilement reconnu ailleurs », estime Alain Lauden, de la CFTC.

Même constat pour les certificats de compétences en entreprise (CCE), délivrés par l'Association des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), qui risquent de n'être reconnus que par les entreprises ayant participé à leur élaboration. Président de l'Association pour la certification des compétences professionnelles (ACCP) – qui valide ces certificats –, Jean-Luc Reumaux balaie ces objections : « L'ACCP est en conformité avec les exigences de la norme européenne EN 45013 qui précise les conditions à remplir par les organismes certificateurs. » Encore en phase expérimentale, ces dispositifs ne seront véritablement efficaces que lorsqu'ils seront mieux connus des entreprises. Or celles-ci ont déjà du mal à se retrouver dans l'écheveau des titres d'État délivrés par les différents ministères.

Auteur

  • S. P.