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Tableau de bord

L’emploi non qualifié a-t-il encore sa place ?

Tableau de bord | publié le : 01.02.2010 |

Thomas Amossé Économiste au Centre d’études de l’emploi

L’emploi non qualifié regroupe aujourd’hui près d’un salarié sur quatre, soit plus de 5 millions d’entre eux. C’est autant qu’en 1975. Pourtant, derrière cette stabilité numérique se cache une forte recomposition des emplois : au sein des non qualifiés, les ouvriers ont progressivement été remplacés par les employés ; l’industrie a reculé par rapport aux activités tertiaires, services aux particuliers, grande distribution et collectivités territoriales en tête. Ainsi, l’évolution à venir de l’emploi non qualifié me semble autant poser la question du développement de ces sphères d’emploi – et à travers elles, par exemple, de la politique fiscale à l’égard des ménages, du financement de la garde d’enfant et de la dépendance, ou des périmètres de la fonction publique –, que celle d’une politique industrielle qui hésite toujours entre soutien à l’innovation et aux bas salaires. Ces questions appellent des choix de la part des pouvoirs publics, et ce d’autant plus que les réponses apportées seront loin d’être neutres en termes de perspectives professionnelles pour la proportion toujours élevée de personnes sortant du système scolaire avec peu de qualification.

José Rose Professeur de sociologie, Lest, université de Provence

Longtemps en baisse, notamment dans l’industrie, l’emploi non qualifié a repris sa progression au milieu des années 90, essentiellement du fait de la politique de réduction des charges sociales sur les bas salaires. Cela a surtout concerné le secteur tertiaire. Ces emplois ont des statuts plutôt dégradés et sont plutôt occupés par des populations spécifiques (débutants, femmes, personnes peu formées). Mais nombre d’activités, même d’exécution, exigent des compétences et des savoirs souvent plus importants qu’il n’y paraît. On constate ainsi souvent une complexification des tâches combinant savoirs variés, autonomie et contrôle, intensité et polyvalence. Ce tableau contrasté soulève le problème de la reconnaissance des qualifications. Pour l’avenir, la polarisation des qualifications se maintiendra sans doute, ce qui devrait conforter la tendance à la hausse de l’emploi non qualifié. Quant à l’évolution du travail peu qualifié, elle dépendra des marges de manœuvre réelles des acteurs et des choix faits en matière de division du travail, des politiques de GRH, des politiques publiques et de la reconnaissance sociale de la qualification des activités.

Vincent Chriqui Directeur général du Centre d’analyse stratégique

Oui, il y a encore de la place pour l’emploi non qualifié en France, d’après la prospective des métiers et des qualifications pilotée par le Centre d’analyse stratégique qui étudie les perspectives de l’emploi et les sorties du marché du travail par métier. D’importants besoins de recrutement sont à venir dans les métiers d’employés pas ou peu qualifiés, les services aux particuliers, l’action sociale et la santé… Les perspectives sont moins favorables pour les ouvriers non qualifiés, qui souffrent de la crise et des délocalisations, phénomènes susceptibles d’être atténués par des interventions publiques volontaristes (baisse de la TP, états généraux de l’industrie).

La dynamique des emplois peu qualifiés reste en partie dépendante du maintien des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires et du soutien à la demande (Cesu, crédit d’impôt pour l’emploi à domicile). L’État peut aussi intervenir afin d’améliorer leur professionnalisation grâce à une offre de formation adaptée. L’évolution des technologies et des organisations du travail peut enfin accroître la productivité de ces emplois, renforçant leur développement ou générant des hausses de salaire.

Pour en savoir plus

La Non-Qualification : question de formation, d’emploi ou de travail ?,

Net.Doc n° 53, 2009.

www.cereq.fr.

Cinq millions de travailleurs non qualifiés : une nouvelle classe sociale ?,

« Connaissance de l’emploi » n° 39, 2007.

www.cee-recherche.fr.

L’impact des allégements de charges sur les bas salaires,

« Insee Première » n° 1214, 2008.

www.insee.fr.

Les Métiers en 2015, publication du CAS et de la Dares, 2007.

www.strategie.gouv.fr/article.php3 ?id_article=393.