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Éditorial

Sortir du statu quo sur la pénibilité

Éditorial | publié le : 01.02.2010 | Jean-Paul Coulange

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Sortir du statu quo sur la pénibilité

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Les grandes manœuvres ont commencé sur le front des retraites. À chacun, élu, expert, syndicat, de fourbir ses arguments. Les partisans du Grand Soir rêvent d’une réforme systémique, substituant au régime par annuités un régime par points, qui prévaut dans les retraites complémentaires. D’autres ne jurent que par le modèle suédois, où le montant de la rente est fonction du capital constitué par les cotisations salariales et de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient le salarié.

À défaut d’un tel aggiornamento, qui supposerait de bousculer l’actuel système hérité de l’après-guerre, les plus lucides s’en tiennent à des cocktails traditionnels. Les uns, y compris dans les rangs d’une gauche empreinte de réalisme, évoquent le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, les autres prônent l’allongement de la durée de cotisation.

Dans les grands effets de manche qui précèdent toujours les réformes, on entend reparler, ici ou là, de la pénibilité. Lors de la dernière réforme, en 2003, le mistigri avait été repassé aux partenaires sociaux. Au terme de trois années d’un dialogue de sourds, ces derniers avaient sabordé la négociation dans le courant de l’été 2008. Quant au gouvernement, qui s’était engagé à reprendre la main, il est resté, depuis, d’un silence étourdissant. L’échec de cette négociation est largement imputable au patronat, farouchement opposé au financement de retraites anticipées pour les salariés travaillant dans le froid, le bruit, exposés à de lourdes charges ou soumis à des horaires de nuit. Pas question, argumentait-on chez les employeurs, de recréer, dans le secteur privé, des régimes spéciaux.

Il n’y a pourtant rien de comparable entre les conditions de travail des agents de la RATP et celles des manœuvres du BTP. Quant à l’espérance de vie des ouvriers, elle reste inférieure, pour les hommes, de sept ans à celle des cadres (74 ans contre 81 ans, et 82 ans contre 85 ans pour les femmes), selon l’Insee. Face à cette injustice flagrante et reconnue, des solutions ont été avancées. Validation d’un trimestre en plus par année de travail « à risque », attribution de points de retraite supplémentaires…

Reste, et c’est bien là que le bât blesse, à trouver le mode de financement. Une récente étude a évalué le coût des retraites anticipées pour cause de pénibilité à 500 millions d’euros dans le BTP, ce qui représente environ 2 % de la masse salariale des ouvriers de ce secteur. Dans le bâtiment, 14 % des 55-59 ans sont au chômage, 15 % en invalidité, 5 % en arrêt maladie de longue durée. Et combien d’autres sont déclarés inaptes ? La future réforme des retraites aura donc manqué sa cible si elle ne s’attelle pas à une clarification du coût de la pénibilité et à une juste répartition de la charge correspondante. Un effort auquel les entreprises ne pourront pas, cette fois-ci, se dérober. A fortiori si le verrou des 60 ans est forcé.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange