Tant vanté depuis le début de la crise, le modèle social français repose sur un paradoxe. Par la négociation ou à travers le paritarisme, les partenaires sociaux se voient impliqués dans la gestion et le traitement d’enjeux qui couvrent un spectre ayant peu d’équivalent dans les pays développés. Les plans sociaux, l’indemnisation du chômage, les minima salariaux, la formation, la protection sociale, entre autres, entrent dans le champ de compétence de la démocratie sociale. Mais il n’y a guère d’autre endroit où les syndicats se ? trouvent à la fois si divisés et si faibles. De ce fait, constate Henri Rouilleault, ancien conseiller de Michel Rocard à Matignon, la France vit depuis un quart de siècle « une crise de la démocratie sociale qui tient à l’insuffisance de la négociation collective du niveau de l’entreprise au niveau national ». Le système mis en place entre 1936 et 1950, malgré une extension notable en 1968 puis avec les lois Auroux de 1982, est arrivé à bout de souffle dans les années 90. Déjà, en 1984, la première vraie tentative d’accord « donnant-donnant » sur la flexibilité s’est soldée par un échec retentissant. Ensuite, aucune négociation interprofessionnelle d’aussi grande ampleur n’aura lieu avant celle de janvier 2008, produisant l’accord sur la modernisation du marché du travail.
Cette longue succession de tâtonnements constitue l’armature de la première partie de l’ouvrage. Elle s’achève par ce que l’auteur qualifie de « deux réformes majeures de la démocratie sociale »: les lois Larcher de janvier 2007 et Bertrand d’août 2008. La première stipule que tout projet de réforme gouvernementale portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle devra faire l’objet d’une concertation préalable. La seconde redéfinit les règles de validité des accords et de représentativité syndicale. Étalée sur plusieurs années, l’entrée en vigueur de cette nouvelle règle du jeu va entraîner « une recomposition syndicale par en bas » dont on évalue encore mal l’importance et les conséquences. S’appuyer sur cet acquis pour conforter la démocratie sociale face à la crise, c’est ce que propose Henri Rouilleault, avec 12 idées-forces. Pour chacune, il avance des suggestions qui dessinent un véritable programme de gouvernement, dont l’exclusivité n’est pas réservée à la gauche socialiste, mais à tous ceux qui sont persuadés que la France sera mieux armée dans les années à venir si elle sait mobiliser plus efficacement l’intelligence collective des Français.
Où va la démocratie sociale ? Un diagnostic et des propositions, Henri Rouilleault. À paraître le 21 janvier aux Éditions de l’Atelier. 240 pages.